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Diagnostiquer facilement des infections, quand électrochimie rime avec microbiologie.


Thibaut BABIN
Thibaut BABIN

Prix de thèse d’université 2023 de la Société Française de Microbiologie.

Prix de thèse Innovation 2024 de l’Université Grenoble Alpes.

Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.


Peux-tu nous présenter un bref ton parcours avant la thèse ?

En bref c’est un peu compliqué, mon parcours est quelque peu atypique. Après 2 ans de classe préparatoire à Nantes en Mathématiques et Physique, j’ai intégré l’école Grenoble INP Phelma sur concours. La première année étant très généraliste, j’ai pu choisir ce qu’il me plaisait le plus dans les nombreuses orientations possibles. C’est ainsi que j’ai effectué 2 ans dans la filière Electrochimie et Procédés pour l’Energie et l’Environnement, avec une spécialisation en bio-électrochimie la dernière année.

Ayant longtemps hésité après mon lycée entre une carrière d’ingénieur et une carrière de médecin, j’ai décidé de m’inscrire en première année de médecine après mon diplôme. L’idée était de voir si je ne m’étais pas trompé il y a 5 ans déjà. Bien que le domaine du médical m’intéresse fortement, je me suis rendu compte cette année-là que le métier de médecin n’était pas ma voie. Les sciences de l’ingénieur me manquaient !

Avec mon diplôme de Phelma en poche et sans grande idée de quoi faire de mon avenir (il faut le reconnaître), j’ai été embauché dans la première entreprise m’offrant un poste, même loin de mes compétences. Pendant 2 ans et demi, j’ai travaillé en tant qu’ingénieur en photolithographie, dans le secteur de la microélectronique, bien loin de l’électrochimie et du domaine de la santé.

Cet emploi, très axé sur la production, m’a beaucoup formé sur la vie en entreprise et m’a apporté beaucoup de rigueur mais n’était pas assez tourné vers la technique pour moi, un poste en R&D étant souvent réservé aux docteurs. J’ai donc tout quitté pour débuter une thèse dans un milieu qui me passionne, au CEA Leti. Le sujet me convenait parfaitement : il fallait des compétences en électrochimie, une fibre industrielle et des connaissances en biomédical.


En quoi consiste ta thèse en quelques mots ?

Sous la direction de Pascal Mailley et encadré par Pierre Marcoux et Maxime Gougis, j’ai développé pendant 3 ans une nouvelle méthode pour diagnostiquer les infections sanguines.

Actuellement, la méthode utilisée partout dans le monde repose sur la présence, dans les flacons d’hémoculture, d’un indicateur coloré permettant d’observer une variation de pH. En somme, un peu de sang du patient est prélevé dans un flacon, qui est ensuite placé dans un incubateur. Si, quelques heures plus tard, des bactéries se sont développées dans ce flacon, alors il sera possible de le détecter par changement de couleur de ce capteur pH : le patient est bien infecté.

Pendant mon doctorat, j’ai instrumenté des flacons d’hémoculture avec des capteurs électrochimiques qui, grâce à une méthode très simple, permettent de détecter la croissance microbienne dans le sang.

Le caractère particulièrement innovant de mes travaux repose dans l’analyse des mesures en continue. En effet, chaque bactérie possède une signature électrochimique qui lui est propre, qu’il est possible d’observer en mesurant le potentiel électrochimique. Avec l’aide de deux collègues, Tommy Dedole et Pierre Bouvet, nous avons donc construit un algorithme de machine learning permettant de détecter puis d’identifier un pathogène dans un flacon d’hémoculture. La méthode est simple, ne nécessite aucune manipulation, ni ajout de réactif chimique, chose impensable avec les automates utilisés dans les hôpitaux aujourd’hui.

On peut donc résumer mon travail de thèse par le développement d’une nouvelle méthode de diagnostic d’infections sanguines ne nécessitant qu’une mesure électrochimique. Ce type de technologie est évidemment très intéressant pour les pays en voie de développement, où l’accès au diagnostic médical est limité.


Qu’est ce qui, selon toi, fait le succès d’une thèse ?

Je le répète bien souvent à tous les étudiants en maîtrise que je croise : une bonne thèse c’est surtout de bons encadrants. Le sujet importe certes, mais beaucoup moins qu’on peut le croire.

J’ai eu donc énormément de chance d’être entouré par des personnes passionnées, à l’écoute et disponibles, avec qui je pouvais parler comme à des collègues plus que comme à des chefs. Le fait d’avoir découvert quelque chose qui fonctionne alors qu’on ne s’y attendait pas à clairement été un facteur déterminant pour que des organismes considèrent ma thèse comme « un succès », je n’aurai probablement pas gagné ces prix sans ça. Cependant, je suis persuadé que même avec aucun résultat concluant sur cette technologie, je considérerai cette expérience comme un succès, justement grâce à l’entourage professionnel dont j’ai bénéficié.


Comment te projettes-tu professionnellement ?

Le doctorat m’a donné goût à la recherche mais je veux toujours garder un pied dans l’industrie. J’aime développer, inventer et concevoir de dispositifs, la recherche fondamentale n’est donc probablement pas pour moi. En revanche, un poste d’ingénieur de recherche dans une start-up ou un institut de recherche type CEA serait tout à fait en adéquation avec mes compétences.

J’espère également, à plus ou moins long terme, fonder mon entreprise sur la technologie que j’ai développé pendant mon doctorat. Une nouvelle aventure qui ne sera probablement pas de tout repos mais qui, j’espère, se déroulera aussi bien que la thèse !



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