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Ismail TALEB, PhD en ingénierie industrielle, modélisation et simulation de systèmes de production


Merci beaucoup d'avoir accepté de rédiger votre interview.


Parcours qui m’a mené au doctorat

Début classique

De base je n’avais jamais le doctorat dans mon champ de mire. J’avais commencé mon parcours d’ingénieur à l’École Nationale Supérieure des Arts et Métiers (ENSAM) à Meknès au Maroc. Je comptais terminer mon parcours de 5 ans avec une spécialité Génie Industriel et Productique (GIP) et travailler dans une des entreprises installées au Maroc — Un parcours plutôt classique pour les gad’zarts (surnoms des étudiants des arts et métiers).


Changement de plan

Toutefois, au début de ma troisième année, j’ai appris l’existence d’un programme entre les Arts et Métiers de Meknès et celles de France qui se compose de 11 campus. La condition pour rejoindre ce programme est de faire partie des ~38 premiers de la promotion de ~350 personnes. À la fin de la troisième année j’ai reçu la réponse que j’en faisais partie et que je pouvais choisir parmi les 11 campus selon ses spécialités et mes préférences. Par exemple, les campus de Paris et de Metz sont spécialisés, entre autres, dans la modélisation mathématique et physique ainsi que la simulation (C’est d’ailleurs où j’ai réalisé mon Master et ma thèse). Après de longues études des programmes proposés, j’ai décidé de choisir KIMP-DM, (Knowledge Integration in Mechanical Production — Design and Manufacturing) le programme proposé par le campus de Paris et présidé par le Maître de Conférence Alain Étienne. Ce programme qui était un Master de Recherche (MR) cochait plusieurs cases parmi mes besoins et m’en a fait découvrir d’autres que je ne connaissais pas. C’est ce programme qui m’avait initié à la recherche.


L’initiation à la recherche

Pendant ce MR, j’ai appris quelques facettes liées à la recherche industrielle et académique. J’ai aussi amélioré mes compétences en programmation, développement et modélisation. Pendant mon temps libre, je m’intéressais aux études scientifiques, aux recherches réalisées et aux articles de revues scientifiques dans plusieurs sujets autres que l’ingénierie notamment la psychologie, la biologie et les nouvelles technologies.

Après mon master de recherche, j’ai eu l’occasion de réaliser mon stage de fin d’étude dans mon premier laboratoire de recherche I2M aux Arts et Métiers de Bordeaux-Talence sur les heuristiques d’aide à la décision pour la conception. J’ai réalisé une première étude bibliographique pour définir les dernières technologies au moment de la réalisation du stage dans divers sujets tels que les heuristiques d’aide à la décision, les heuristiques de conception, le NLP (Natural Language Processing), le Data Mining et plus précisément le Text Mining. Le but de l’étude était d’analyser des bases de données d’articles scientifiques et de brevets pour en faire écouler des données de valeur prêtes à être utilisées, et catégoriser les types d’heuristiques de conception utilisées dans les brevets et articles scientifiques.


Choix important

À la fin de mon stage de fin d’étude, je me suis retrouvé face à un choix important dans ma carrière. Je pouvais soit continuer dans la recherche ou commencer ma carrière dans l’industrie. J’avais reçu des offres dans l’industrie comme celui chez Michelin Clermont-Ferrand ou des offres dans la recherche comme la thèse de doctorat que j’ai fini par choisir. La logique de ce choix est expliquée plus en détails au dernier chapitre.


La thèse de doctorat

J’ai réalisé ma thèse de doctorat au sein du laboratoire LCFC (Laboratoire de Concepion, Fabrication et Commande) du campus des Arts et Métiers de Metz, sous la direction du Professeur Ali Siadat et du Maître de Conférence Alain Étienne. Ils m’ont guidé tout au long de la thèse et m’ont donné une grande liberté sur l’évolution de la thèse. En effet, le sujet initial de la thèse portait principalement sur un nouveau concept développé au sein du laboratoire qu’est les marges de manœuvre. Ce nouveau concept est une façon de permettre à l’opérateur d’avoir plus d’autonomie dans son travail et de mieux gérer sa cadence ainsi que sa fatigue. Ce concept était le centre d’un débat entre notre laboratoire et l’INRS (Insitut National de Recherche et de Sécurité) qui refusait intégralement la modélisation de l’humain. La liberté qui m’a été accordée m’a permis de pivoter vers une thèse multidisciplinaire portant principalement sur la productivité en prenant en compte les facteurs humains, les paramètres des machines et les marges de manœuvre.

Lors de ma thèse de doctorat, j’ai réalisé un état de l’art sur les différents sujets liés à la thèse tels que la productivité, les facteurs humains et la modélisation de la machine. J’ai souhaité répondre à une question que les études précédentes n’ont pas soulevé et ce d’une façon différente. J’ai réalisé une étude multidisciplinaire comprenant tous les aspects cités précédemment dans un système de production complet. Jusque-là les autres études se concentrait principalement sur un seul paramètre et réalisait des études sur un seul opérateur et une seule machine. Le but était de se rapprocher le plus possible de la réalité en prenant en compte les paramètres les plus influents et de réaliser cette étude sur un système de production complet. Tout ça dans le but de développer un outil qui pourrait être utilisé par les entreprises pour facilement modéliser leurs systèmes de production et les simuler avec le plus de précision possible pour leur permettre d’analyser leurs systèmes dans leur état actuel et d’estimer les systèmes de production futurs.

Ma thèse était dans le cadre d’une chaire industrielle, ce qui veut dire qu’on était en collaboration avec des entreprises de la région et qu’on pouvait tester les résultats de mes recherches directement sur leurs systèmes. C’était aussi une très grande opportunité qui m’a fait découvrir un autre aspect qui me tenait beaucoup à coeur : visiter les entreprises, rencontrer les dirigeants, ingénieurs, techniciens et opérateurs concernés, leur montrer nos produits et services et leur montrer que ça marche (Proof Of Concept). Cette expérience m’a permis d’améliorer mes compétences en gestion de projet, développement informatique, communication, rédaction scientifique et technique, modélisation mathématique et physique, ainsi qu’une expertise en facteurs humains, marges de manoeuvre, modélisation et simulation de systèmes de production.

Le modèle et la simulation développés ont amélioré la productivité du système de production de 10% sans aucune influence sur les facteurs humains de l’opérateur; c’est-à-dire sans augmenter la fatigue des opérateurs. Plusieurs scénarii ont été trouvés grâce à l’outil développé selon le besoin du dit client, certains avaient comme objectif d’améliorer la productivité sans augmenter la fatigue, d’autres visaient plutôt une baisse de fatigue sans toucher à la productivité du système.

En plus de la thèse, je donnais des cours de travaux pratiques pour le module de bases de données et le langage SQL. C’était une expérience que j’ai particulièrement aimé. J’ai beaucoup aimé faire passer mes connaissances en la matière aux étudiants Gadz et répondre à leurs questions.


Covid 19

La période de confinement était l’une des plus difficiles. Non seulement j’ai perdu le travail en groupe au sein du laboratoire, près de mes encadrants mais aussi près de mes collègues (d’autres doctorants), mais j’étais aussi dans la période la plus difficile de la thèse : la seconde moitié où je devais commencer à fournir des résultats, rédiger des articles, présenter dans des conférences et finalement rédiger le manuscrit final. La première expérience de télétravail et le passage à cette nouvelle façon de vivre et de travail étaient difficiles. Au final, tout s’est bien passé, j’ai pu m’organiser pour fournir des résultats concrets, rédiger des articles de conférence et de journal. Les conférences se sont passées en ligne via visio. Je n’ai malheureusement pas pu me déplacer aux événements réalisés au Maroc ou au Singapore.


L’ après thèse

Lorsque la fin de la thèse se rapprochait, je me suis rendu compte que je ne voulais pas continuer dans le domaine académique malgré le fait que j’aime bien cet aspect d’enseignant chercheur au sein du laboratoire. Je me suis alors mis à la recherche d’un poste qui me convient au sein d’une entreprise soit en tant qu’ingénieur méthodes, industrialisation ou en tant qu’ingénieur R&D. J’avais trouvé plusieurs offres qui m’ont plu au sein d’entreprises comme Amazon et STMicroelectronics, et j’étais prêt à accepter l’une d’elles, quand j’ai reçu un message sur LinkedIn de Fabrice un chasseur de tête (qui était très sympa et avec qui je suis resté en contact même après le recrutement). Il m’avait proposé un poste d’ingénieur R&D chez une start-up qui développe plusieurs logiciels dont un qui permet le réglage des machines en une seule pièce. J’étais intrigué par cette offre et j’ai accepté de passer l’entretien sans aucune attente particulière de ma part. On a immédiatement accroché et on a décidé de poursuivre la procédure d’entretien. J’ai fini par accepter l’offre parce que je trouvais que je pouvais m’épanouir encore plus et que j’avais beaucoup plus à offrir. Cette entreprise, dans laquelle je travaille actuellement, s’appelle Ellistat et elle produit plusieurs solutions soft dont l’APC (Automated Process Control) qui permet de régler les machines avec une seule pièce en prenant en compte des algorithmes développés pendant des années grâce aux travaux du Professeur Maurice Pillet et grâce à la thèse du Dr Thomas Muller. L’APC permet de réduire le taux de rebuts de 90%, les temps de réglage de 75% et permet d’économiser 20k€ par machine par an. Elle se base sur le principe de la closed-loop qui permet d’automatiser le processus de fabrication de manière complète. (D’ailleurs on recrute des ingénieurs R&D, si vous en êtes un ou que vous en connaissez un, n’hésitez pas à me contacter via LinkedIn)


Ellistat

La closed-loop développée par Ellistat.


En parallèle de mon poste chez Ellistat

Je suis un croyant ardent du “Principe Premier”, j’essaie donc de diversifier mes passions et mes centres d’intérêts, dans le but de croiser les domaines et de trouver des solutions innovantes. Je m’intéresse principalement aux domaines de psychologie, les nouvelles technologies, la productivitié et les sciences en général. Le Principe Premier est le concept de la cause fondamentale. La connaissance du Principe Premier d’un domaine permet ensuite de transférer cette connaissance vers un autre domaine. Ceci permet de générer de nouvelles connaissances simplement en liant des connaissances déjà existantes.

En plus de ça, j’ai commencé une newsletter hebdomadaire sur Substack où je rédige un résumé des leçons que j’ai apprises dans les catégories citées précédemment. Je m’intéresse aussi à la banalisation des sciences de l’ingénieur et les sciences en général pour inciter les jeunes à s’intéresser plus à ces domaines sous forme de vidéos sur YouTube, TikTok et Instagram ou sous forme de blogs sur mon site personnel : https://www.ismailtaleb.com/


Est-ce que je recommande la thèse de doctorat?

Finalement la question la plus importante aux lecteurs de ce blog, est-ce que la thèse est faite pour vous? Honnêtement, cela dépend de vos attentes et vos plans futurs. Si vous souhaitez dès maintenant travailler dans le milieu industriel, la réponse est simple: il ne faut pas faire une thèse. Cela va seulement retarder votre carrière. Les 3 ans ou plus passés en thèse sont des années que vous auriez pu passer en entreprise pour gagner de l’expérience. Si, par contre, vous souhaitez poursuivre une carrière académique en tant qu’enseignant, maître de conférence, professeur associé / assistant ou professeur, la réponse aussi est simple: vous pouvez commencer par un master de recherche puis une thèse de doctorat, c’est la façon la plus simple pour poursuivre ce parcours. Pendant votre thèse de doctorat, vous pouvez postuler pour une certification afin de poursuivre une carrière académique en plus d’une carrière de recherche. Maintenant, la situation la plus compliquée est celle où vous n’êtes pas encore sûr de ce que vous voulez poursuivre dans le vie (tel était mon cas). Je vous conseille alors de chercher des deux côtés des offres qui pourraient vous intéresser, trouver celle qui vous intéresse le plus et poursuivre ce chemin là. Peu importe celui que vous choisissez, peu importe le résultat, bon ou mauvais, cela vous permettra de continuer ou d’éliminer ce parcours. Si le choix que vous aviez réaliser vous plaît, c’est simple vous pouvez le continuer. Si ce n’est pas fait pour vous, c’était une expérience qui n’est pas perdue, qui vous permettra de vous épanouir dans votre vie professionnelle parce que vous avez une expérience unique que la majorité des ingénieurs n’ont pas.

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