Merci beaucoup d'avoir accepté l'entretien.
Pouvez-vous décrire votre parcours ?
Depuis l’adolescence, je souhaite travailler dans le domaine du spatiale. Plus jeune, je rêvais de devenir planétologue pour participer à la découverte de nouveaux mondes : tellement excitant ! Puis j’ai réalisé que cela consistait principalement à du traitement du signal, et mon excitation est retombée. J’ai donc redirigé mon énergie pour réaliser 2 années en CPGE, afin de décrocher une école d’ingénieur spécialisé dans l’aérospatial, l’IPSA. Durant mes 3 années d’ingénieur, je me suis spécialisée en Matériaux et Structures, et en Systèmes Spatiaux, ce qui a confirmé ma volonté de travailler dans le spatial, en tant qu’ingénieure.
J’ai achevé mon cursus avec un stage à l’ONERA, où j’ai découvert le monde de la recherche : mon stage s’est alors poursuivi par 3 années de thèse, toujours à l’ONERA, en partenariat avec l’Ecole Centrale Nantes. J’ai travaillé sur la fatigue des matériaux composites, et j’ai pu me frotter au monde de l’expérimental, pour compléter mon cursus très théorique. Suite à ma thèse, je suis partie en césure pour voyager à travers le monde et travailler en volontariat, juste avant que le Covid n’interrompe ce projet. Je suis alors retournée en France, où j’ai pu décrocher un poste en tant que cheffe d’un projet de recherche interne chez Capgemini Engineering, sur la thématique des débris spatiaux.
Quel poste occupez-vous aujourd’hui et en quoi votre doctorat vous a-t-il été utile ?
A l’heure actuelle, je gère un projet de recherche orienté sur la conception de nouveaux mécanismes mécaniques à intégrer dans les futurs satellites, pour anticiper leur fin de vie, les désorbiter et améliorer leur désintégrabilité lors de la rentrée atmosphérique. Toutes ces thématiques sont récentes et nécessitent donc de concevoir de nouveaux designs de satellites et de mécanismes de désorbitation et de démantèlement. Dans ce cadre, je gère une équipe de quelques consultants qui m’apportent leur expertise.
Même si le sujet est très différent de celui conduit durant ma thèse, cette dernière m’a apporté une forte expérience en gestion de projet sur la durée et en management implicite d’équipe, puisque déjà durant ma thèse, je devais élaborer moi-même mon plan d’action pour les prochains mois, et gérer le planning des techniciens pour faire concorder leurs disponibilités avec mes besoins. J’ai également appris par la thèse l’importance de la veille biblio pour construire sa base d’étude, la synthèse des résultats, ainsi qu’à relativiser un résultat qui ne correspond pas à ce qu’on attendait. De manière plus générale, la thèse m’a appris à fonctionner avec une vision globale de la problématique, et de monter en compétences sur de nombreux sujets parallèle tout en m’appuyant sur les compétences ingénieurs des consultants.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaite se lancer dans une thèse ?
Le choix de faire une thèse est très personnel. Il faut savoir qu’on s’engage pendant trois ans, à travailler sur le même sujet, avec les mêmes personnes. Il est donc important à mon sens de se renseigner sur ses futures conditions de travail avant de signer. Pour ma part, je n’avais pas prévu spécialement de faire une thèse, mais mon stage s’était bien déroulé, la proposition de poursuivre m’a donc paru naturelle.
Il ne faut pas être expert sur son sujet au démarrage de la thèse : les connaissances s’accumulent au fur et à mesure, et d’ailleurs, le sujet peut changer en fonction des motivations et aspirations du doctorant. C’est à la fois la force d’une thèse, qu’on s’approprie personnellement et qu’on façonne au fil des années, et son danger : gare à ne pas s’éparpiller et à changer trop souvent de directions, au risque de se perdre. Il faut donc être motivé et organisé, en gardant un cap clair.
Enfin, il faut être persévérant : certaines tâches sont ingrates, ou pénibles, et certaines phases peuvent sembler sans intérêt. Il est facile de se décourager lorsque le résultat n’aboutit pas, lorsqu’on se retrouve en milieu de thèse et qu’on mesure tout ce qui reste à faire, lorsqu’il faut rédiger (surtout pour ceux qui n’aiment pas ça). Cependant, l’effort est récompensé, et l’expérience est riche à la fois d’un point de vue technique et personnel. On mûrit grandement, et à terme, on est fier d’avoir surmonté tous les obstacles. Pour ma part, je n’ai aucun regret et je tire une grande fierté.
J’ajouterai même un conseil genré, j’encourage les filles à se lancer, même et surtout dans des filières a priori très masculines : j’ai rencontré beaucoup de doctorantes et de doctoresses dans mon parcours, en mécanique et en IT, donc les ratios sont en train de s’équilibrer. Cela apporte une richesse indéniable dans les discussions entre doctorants ou entre docteurs, car les points de vues sont plus différenciés.
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