Senior Expert on AI
NATO Strategic Communications Centre of Excellence
Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Pouvez-vous nous décrire ce qui vous a conduit à faire une thèse ?
Lorsque j’étais collégien, comme tous mes camarades de classe, la question du “et après ?” est devenue inévitable lors du choix du type de formation post-brevet et de l’établissement. Comme d’autres, j’ai été conduit à un centre d’orientation, rempli de livres mentionnant des milliers de professions, l’une d’elles fut plus accrocheuse que d’autres, celle d’analyste programmeur. Elle faisait beaucoup écho au monde du jeu vidéo, le rêve assuré de pouvoir jouer au travail ! Mais l’événement marquant du centre n’était pas tellement le type de métier, c’était plutôt ce poster affichant une pyramide des diplômes, avec en tête d’affiche le doctorat juxtaposé à la mention bac+8. Ce n’était, selon l’orientatrice, évidemment pas pour moi et mes résultats insuffisants en mathématiques. Pourtant, cela semblait être la voie des curieux affirmés.
Accroché à cette idée pendant les 15 années qui ont suivi, avec un parcours fait d’expériences de toutes sortes, militaires, associatives, et de parcours universitaires variés en biologie/géologie, génie civil et informatique, le constat est bien là. Avoir un doctorat, c’est avoir le luxe de pouvoir poser des questions et avoir le temps d’y répondre.
En grandissant, la curiosité et les rencontres de la vie m’ont lancé sur une voie additionnelle, celle de la résolution de problèmes. Il ne s’agissait soudain plus de chercher uniquement, il s’agissait d’aider, de développer des solutions qui permettraient à d’autres d’avancer. La voie était donc toute tracée, les sciences de l’ingénieur ou rien. Comprendre un besoin, poser les bonnes questions, chercher les bonnes réponses, développer des solutions, intégrer la réalité économique, partager, communiquer, collaborer, mener. Ces éléments forment aujourd’hui mon quotidien, décidément, ce doctorat en sciences de l’ingénieur, il en valait la chandelle !
Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter le monde de la recherche académique ?
Une suite d’opportunités plus intéressante en termes d’enjeux, de responsabilités et de salaire. Actuellement, je travaille au sein d'une organisation internationale qui établit des liens avec le secteur privé et le secteur académique. Mon intégration dans ce cadre unique a été rendue possible par mon expérience préalable dans le secteur privé, où j'ai dû apprendre et m'adapter à ses codes spécifiques. La recherche académique n’est jamais très loin, les collaborations et interventions sont nombreuses.
En termes de carrière, je ne rejette pas la possibilité de retourner dans le secteur académique, l’enseignement pour moi est la clé de voûte du système universitaire et de nos sociétés. La moindre présence des objectifs chiffrés, typique de l’industrie, en fait un environnement propice aux échanges et à la discussion. De façon plus globale, je pense qu’il ne faut pas opposer les deux et se placer dans un contexte d’opportunité à saisir. Le secteur privé offre une expérience différente, qui complète l'expérience académique, en nous rappelant les défis du monde actuel.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui hésite entre se lancer dans une thèse ou commencer à travailler dès bac+5 ?
Je dirais d'abord qu'il a le temps, une thèse peut être réalisée après une première expérience professionnelle. La thèse est un exercice d'endurance qui nécessite un engagement certain, à ne pas s'y méprendre. Il faut cependant rappeler le contexte actuel : avec l'arrivée de l'IA générative, la question du remplacement de certains acteurs par cette technologie devient préoccupante. Dans ce cadre, l'importance d'un diplôme compétitif sur le plan international reste cruciale. Pour les personnes attachées au titre d'ingénieur, en France, depuis 2020, le docteur n'a plus besoin de “cacher” son titre puisque, je cite, « les titulaires du diplôme national de doctorat peuvent faire usage du titre de docteur dans tout emploi et toute circonstance ». Il y a une véritable volonté de l'État français de valoriser ce diplôme. Si l'occasion et la motivation sont présentes, je pense que c'est une opportunité à sérieusement considérer.
Quel est votre métier aujourd’hui ?
Je travaille en tant que senior expert en IA pour le centre d'excellence en communications stratégiques de l'OTAN, situé en Lettonie. Mes fonctions incluent la gestion de projets et de budgets, ainsi que la conduite de recherches, le développement de solutions techniques, la rédaction, la prise de parole en conférences et la dispensation de formations dans un contexte international, à la croisée des chemins entre la politique, le monde militaire, et l'innovation. Les journées sont courtes et la technologie avance de plus en plus vite, ce qui représente un vrai défi, compensé par la réelle impression de contribuer au monde de demain.
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