Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
Les Mathématiques ont depuis très longtemps été un exutoire pour l’imagination aussi profond que ceux de la lecture et de l’écriture. De plus, les Mathématiques m’ont permis de comprendre que les limites servaient à être constamment repoussées, peu importe son rythme. Ainsi, j’ai commencé mes études supérieures avec deux ans de classes préparatoires Mathématiques-Physique au lycée Chaptal, et ai continué l’étude des Mathématiques à l’Université Paris-Dauphine jusqu’au Master 2 MASH (Mathématiques, Apprentissage, Sciences Humaines) grâce auquel un monde infini d’applications des Mathématiques m’est devenu accessible via l’Informatique. Je pouvais enfin comprendre ce qu’impliquait l’expression Apprentissage Automatique (Machine Learning en anglais).
Qu’est-ce qui vous a décidé à poursuivre en thèse ?
L’idée de faire une thèse me trottait dans la tête depuis le milieu de mes années à Chaptal, mais elle semblait à l’époque inaccessible car réservée à mes amis qui comprenaient les cours de Mathématiques instantanément et pour qui les exemples ne valaient pas la peine d’être notés dans le cahier mais seulement d’être écoutés une seule fois. Puis au cours de mes années à Dauphine, j’ai compris que les qualités nécessaires à la réussite d’un doctorat étaient multiples et ne se cristallisaient pas autour d’une aptitude. Parmi les qualités que j’avais alors devinées importantes, l’imagination et la persévérance m’ont décidé à prendre cette idée au sérieux.
C’est suite à un stage au sein du Lab Paris-Saclay d’EDF que j’ai eu l’opportunité de poursuivre mes études avec une thèse dont le sujet tourne autour de l’application de l’Apprentissage Automatique à la cybersécurité au sein de la Chaire Cyber-CNI d’IMT Atlantique.
Quels sont les défis qu’un doctorant rencontre couramment ?
La thèse peut comporter plusieurs défis qui se concrétisent différemment pour chaque doctorant. Le premier défi est bien sûr le défi scientifique représenté par le sujet traité. A mon sens, c’est ce défi qui doit être la motivation principale du doctorant.
Mais il y a aussi des défis auxquels on ne pense pas forcément avant de se lancer dans l’aventure. Si on conçoit facilement qu’il faut une endurance pour travailler sur un même sujet durant au moins trois ans, c’est au cours des premiers mois qu’on se rend compte de l’importance du défi psychologique, dont le fameux syndrome de l’imposteur du doctorant et l’incertitude contrariante de l’avenir sont deux pans partagés par beaucoup de doctorants. Il faut assimiler qu’il est normal de tâtonner pendant les premiers mois de la thèse avant de mieux comprendre le sujet. Il y a finalement le défi humain, car la thèse ne peut se faire qu’avec la collaboration du doctorant et des encadrants. Il n’est pas rare qu’il y ait des tensions, notamment en fin de thèse, entre un doctorant et son directeur de thèse. Ainsi, il faut trouver l’équilibre entre la remise en question de son propre point de vue et l’intégrité de ses convictions.
Avez-vous des conseils pour les futurs doctorants ?
Il est tout aussi important de choisir son directeur de thèse que le sujet, suivant deux aspects : l’expertise et le caractère. En effet, à la fin du doctorat l’ancien doctorant doit avoir développé une expertise sur son sujet. Donc, en fonction du sujet, il faut évaluer son expertise et celle de son directeur. Il n’y a pas de règle absolue quant à l’expertise du directeur de thèse sur le sujet de son doctorant : il se peut très bien que le sujet soit connexe à la spécialisation de recherche du directeur. Dans ce cas, il faut que la formation du doctorant soit centrée sur la partie du sujet que le directeur ne maîtrise pas. Quant au deuxième aspect, comme dit plus haut, la collaboration est primordiale lors d’une thèse. Or celle-ci est optimale lorsque la communication l’est tout autant, d’où la nécessité de s’assurer que les points de vue et pratiques du directeur de thèse ne contrediront pas vos principes propres. Pour cela, rien de mieux que de parler aux anciens doctorants du directeur. Enfin, il existe également des forums tels que PhDadvisor qui vous permettent de discuter de toute question relative à la thèse et à la recherche en général.
Pouvez-vous nous parler de votre emploi actuel ?
J’occupe un poste d’ingénieur de recherche en Intelligence Artificielle (IA) chez Magic LEMP dont j'avais entendu parler, à différentes reprises, grâce à des amis. Il s’agit d’une start-up qui s’évertue à faire le pont entre le monde académique et celui de l’industrie grâce à des projets très divers et exigeants tout en promouvant une IA explicable et digne de confiance. Dès l’entretien formel j’ai été convaincu par le potentiel de cette start-up fondée par quatre normaliens issus de formations en physique et en informatique (Raphaël-David LASSERI, Thomas EPALLE, Marie CHUPEAU et Antonin PENON). Ils ont réussi à relever les défis de tout ordre qui se dressent immanquablement lors de la création d’une entreprise. Quant à l’entretien technique où j’ai pu m’en donner à cœur joie, il était bien différent de ce que j’avais expérimenté jusqu’alors. Ainsi, j’ai su que j’allais m’épanouir dans cette équipe et apporter ma pierre à l’édifice.
Les projets de Magic LEMP (magic-lemp.com) ont trait à des problématiques juridiques, politiques, médicales et même musicales pour n’en citer qu’une partie. Pour l’instant, j’ai surtout travaillé sur le projet concernant la musique qui consiste à créer une musique de synthèse à partir d’images de partitions musicales. C’est-à-dire qu’il faut, à partir des simples pixels des images, extraire les symboles musicaux puis les mettre en relation pour former la musique comme le ferait un musicien. Travailler sur des projets aussi ambitieux tout en étant dans une « ambiance start-up » est inestimable. Par « ambiance start-up » j’entends : n’avoir affaire qu’à des personnalités qui n’ont pas une susceptibilité telle qu’il faille employer d’adroites circonlocutions afin de ne pas blesser leur ego. En effet, pouvoir parler franchement et respectueusement à n’importe qui de la boîte épargne beaucoup de temps et d’énergie à tout le monde, ce qui profite à la dynamique de la start-up et à son propre contentement au travail.
Ceci est une expérience, mais un doctorat vous ouvrira beaucoup de portes dans les grandes ou les petites structures, dans le privé ou le public, dans la recherche ou dans l’industrie. À vous ensuite de décider.