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Aurélien GENOT, Ingénieur-chercheur ONERA


Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.


En quelques mots, qui est Aurélien Genot ?

J’ai 31 ans. Je suis ingénieur en mécanique des fluides et énergétique et docteur en combustion. Je travaille à l’ONERA (Office National d'Etudes et de Recherches Aérospatiales) dans le département énergétique, depuis trois ans. Je suis passionné par le couplage entre des mécanismes complexes et par l’évolution de leurs interactions au cours du temps.

La combustion est le fruit d’interactions de phénomènes physiques dans un écoulement gaz : le mélange, la chimie, les échanges thermiques et la dynamique de l’écoulement. J’étudie en particulier la composante instationnaire de chacun de ses phénomènes, c’est ce que j’appelle la « dynamique de combustion ». Appréhender, comprendre et contrôler la dynamique de combustion est un enjeu majeur pour l’optimisation de nos chambres de combustion.


Comment décririez-vous votre travail de tous les jours ? Quel est votre métier ?

Je dirais que je suis à la fois ingénieur, chercheur et enseignant.

Je travaille en qualité d’ingénieur d’études et de recherche au sein de l’ONERA. L’ONERA est un EPIC (Établissement Public à caractère Industriel et Commercial) au service de l’aéronautique, de l’aérospatial et de la défense nationale française. L’ONERA, comme tous les EPIC, développe une recherche fondamentale inspirée des problématiques industrielles, identifiée par des études menées conjointement avec les équipes « recherche » des industriels. Cette recherche peut s’effectuer au moyen de ces études contractualisées par l’Etat (le plus souvent), par des fonds propres ou par des thèses. Les thèses permettent des échanges aisés avec le CNRS ou les Universités au moyen d’une direction de thèse, facilitant un transfert de savoir et savoir-faire entre les institutions publiques de recherche.

A l’ONERA, j’effectue des recherches en dynamique de combustion et de l’ingénierie pour les chambres de combustion pour la propulsion aérobie. En trois ans d’expérience, j’ai également pu encadrer six stagiaires et deux doctorants. Je gère également un projet de recherche impliquant des ingénieurs de deux centres ONERA.

D’autre part, j’assure quelques vacations pour enseigner au sein d’écoles d’ingénieur.


Quel est votre parcours avant votre intégration à l’ONERA ?

J’ai débuté par un cursus universitaire (Licence + M1 à l’Université Paul Sabatier, Toulouse 3) orienté vers la mécanique, l’énergétique, les mathématiques et l’informatique.

Ensuite, j’ai poursuivi mes études en école d’ingénieur à l’INP-Enseeiht à Toulouse, par admission sur titre, pour me spécialiser en mécanique des fluides et combustion.

Après avoir obtenu mon diplôme d’ingénieur, j’ai fait un doctorat en combustion (instabilités thermoacoustiques) en tant que salarié CNES. Ce projet de thèse était cofinancé CNES & ArianeGroup. Je travaillais dans un laboratoire CNRS/CentraleSupélec (l’EM2C, spécialisé en combustion) et une équipe « recherche » d’ArianeGroup.

En parallèle de mon parcours académique, j’ai cumulé un certain nombre d’expériences professionnelles : deux jobs d’été et un stage ingénieur dans l’éclairage public, un stage ingénieur pour le calcul de haute performance au Cerfacs, un stage de recherche en détonique au CEA/DAM (Direction des Applications Militaires) et un stage de recherche en combustion en milieux poreux au CNRS/IMFT.

J’ai également donné des cours privés, de tout niveau, de mathématiques, de physique et de transferts thermiques. Puis, j’ai enseigné, en qualité de vacataire, des travaux dirigés de thermodynamique, de mécanique des fluides, des travaux pratiques de soufflerie et suivi des projets étudiants pour l’aérospatial (CentraleSupélec) et pour les systèmes dynamiques (Polytechnique).


Qu’avez-vous retiré de ces différentes expériences ?

Si je devais choisir parmi ces différentes expériences, je choisirais comme plus déterminantes, l’Université, le CEA/DAM et enfin le doctorat.


L’Université est un lieu formidable pour la prise de conscience de ses responsabilités dans sa formation. Cela permet de se rencontrer en qualité d’individu et de se situer par rapport à l’immensité du savoir commun matérialisé par une bibliothèque universitaire de très grande taille. Bien sûr, l’absence de contrôle de présence en cours favorise cette responsabilisation.


Mais, j’ai également une pensée particulière pour les mathématiques qui sont un vecteur important d’émancipation et constituent une fenêtre, un langage pour décrypter le monde qui nous entoure dans sa complexité.


Le CEA/DAM m’a permis de découvrir ce qu’est un EPIC, un lieu peuplé de gens d’une grande bienveillance qui dédient leur vie à la société, souvent dans l’anonymat. J’ai également apprécié la DAM et le monde de la défense nationale par son fonctionnement structuré, professionnel et, in fine, rassurant.


Le doctorat constitue, de mon point de vue, d’avantage une dernière chance pour s’émanciper (accompagné par un directeur de thèse et des encadrants impliqués) qu’un simple approfondissement d’un sujet. D’un point de vue scientifique, les attentes d’un doctorat sont, par ailleurs, d’avantage la recherche d’une rupture et d’un changement de paradigme que la reproduction d’une « recette » développée par son directeur de thèse ou la production d’outils. Par conséquent, l’étudiant en doctorat doit être conscient qu’il s’agit d’un projet dont il est à la fois le « manager » et « l’exécutant » et qu’il devra s’auto-former autant en philosophie que dans son propre sujet de spécialisation. Bien sûr, il y a du transfert de savoir et savoir-faire entre les encadrants, le directeur de thèse et le doctorant. Néanmoins, la passion et la rencontre du soi sont forcés par les enjeux de la thèse (seulement trois ans, un diplôme, un manuscrit de thèse, une démarche scientifique qui respectent des standards …). Pour ces raisons, je recommande à tout le monde de faire une thèse, quelques soient les projets d’avenir.


Qu’est-ce que votre thèse vous a permis d’acquérir comme compétences et quelles débouchées peut-on avoir ?

Comme je l’ai dit précédemment, une thèse vous permet de vous émanciper. En cas de forte implication dans votre sujet, vous pouvez devenir un spécialiste à l’échelle mondiale sur le sujet de votre thèse.

De façon plus générale, la thèse de doctorat permet d’avoir une première expérience de gestion de projet, de savoir présenter un travail et de travailler avec plus de rigueur.

C’est pour ces raisons que le doctorat est vu comme une réelle plus-value par certaines entreprises. Le plus difficile est souvent pour le jeune docteur d’accepter un emploi où il ne fera potentiellement plus de recherche scientifique. Pour poursuivre la recherche après le doctorat, il y a l’Université, le CNRS, les EPIC (ONERA, CEA, IFPEN, …) et certains industriels.


Quels conseils donneriez-vous aux jeunes générations ?

L’émancipation est un processus qui intervient, souvent, après un ou des changements de déterminisme dans nos vies. C’est largement souhaitable pour nos entreprises ou notre société.


Recherchez donc à nourrir votre curiosité et c’est au travers de découvertes et de lectures qu’une meilleure appréhension du monde vous sera d’avantage accessible. Le soi, relativement au monde, vous sera alors plus clair. Par la lecture, vous pourrez également améliorer vos capacités pédagogiques. Les meilleurs livres que vous pourriez lire sont ceux qui vous donnent envie. Néanmoins, si je pouvais en conseiller un seul c’est « la théorie du chaos » de James Gleick (« Chaos: Making a New Science » en anglais). Il s’agit, à mon avis, d’un formidable outil d’analyse pour les nouvelles générations.


Les mathématiques sont également extrêmement désirables pour la formation de nos jeunes générations qui doivent relever des défis toujours plus complexes. Les problèmes à réponse basique et binaire ont déjà été résolus. En particulier, l’ingénieur doit maintenant optimiser des systèmes complexes ou en proposer un nouveau qui doit faire d’avantage que juste « fonctionner ». Ce système doit être respectueux de l’environnement, être performant et à durée de vie longue.


Enfin, quelques soient vos choix académiques, ne soyez pas complexé par votre formation et prenez soin de vous. Dans le monde professionnel, les deux seules choses réellement déterminantes sont votre travail et la qualité des relations que vous entretenez avec vos collègues.

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