Fournir des outils pour éclairer la décarbonation de la société.
- Antoine SALGAS
- il y a 2 jours
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Dernière mise à jour : il y a 8 heures

Merci beaucoup pour le témoignage
En quoi consiste ta thèse en quelques mots ?
J’ai travaillé pendant trois ans à modéliser la décarbonation du transport aérien. Plus particulièrement, l’équipe dont je faisais (et fais encore) partie à l’ISAE-SUPAERO développe un outil permettant de simuler de manière prospective l’évolution de l’impact environnemental du transport aérien, AeroMAPS[1]. On peut ainsi lier les choix technologiques (nouveaux avions, carburants alternatifs bas carbone, ...) et sociétaux (propension à voyager, fiscalité, …) à leurs impacts. Je pense ici aux impacts environnementaux avec en premier plan le réchauffement climatique qui, dans le cas de l’aviation, ne se limite pas au CO2. Les solutions de décarbonation induisent d’autres impacts, que ce soit en termes de consommation de ressources ou de coût. C’est ce dernier point que j’ai exploré pendant ma thèse, en développant des méthodes permettant d’identifier les actions les plus rentables. Le transport aérien reste inégalement utilisé dans le monde, et les données permettant d’observer cela ne sont malheureusement pas publiques. J’ai donc estimé celles-ci au cours d’un séjour de recherche à TU Delft aux Pays-Bas, et les ai rendues disponibles via une extension d’AeroMAPS, nommée AeroSCOPE[2].
Aujourd’hui, ces outils permettent à tout un chacun de réaliser des scénarios de décarbonation et aux décideurs d’entériner leurs choix en connaissance de cause. Un des gros points forts de ce sujet était son côté multidisciplinaire, avec une dominante sur les sciences de l’ingénieur bien sûr, mais aussi une ouverture à l’économie. J’étais donc encadré par des chercheurs de l’ISAE-SUPAERO, mais aussi de la Toulouse Business School, j’en profite d’ailleurs pour les remercier pour les précieux conseils prodigués.
Peux-tu nous présenter ton parcours et pourquoi as-tu décidé de faire une thèse ?
J’étudiais déjà à l’ISAE-SUPAERO avant de débuter cette thèse, école que j’avais rejoint après un cursus classique passant par 2 ans de classes prépa à Lyon. Ce parcours n’avait rien du hasard : j’étais passionné par l’aéronautique, et c’est l’école de référence pour ce domaine. Cependant, au fil de ma scolarité, j’ai pris conscience de l’impact grandissant du transport aérien sur le changement climatique. Même si j’avais toujours eu une sensibilité forte sur ces enjeux, les voir quantifiés m’a donné envie de m’impliquer personnellement pour améliorer les choses. Après un stage de fin d’études plus technique au sein d’une startup développant des avions électriques, c’est en tombant sur une offre de thèse portée par mes futurs encadrants que j’ai envisagé pour la première fois de m’engager dans cette aventure. La recherche a beaucoup d’atouts, en particulier lorsqu’on parle de transition environnementale : le temps caractéristique y est plus long que dans l’industrie, ce qui permet d’aborder les sujets en profondeur. La décarbonation est un sujet éminemment politique, et à ce titre l’indépendance scientifique permet de l’aborder plus sereinement et complètement, en vue d’éclairer objectivement les futures décisions, qui elles demeurent dans les mains de la société. De manière générale, la thèse permet de creuser en détail un sujet pendant trois ans sans autres contraintes que celle de la rigueur scientifique. On ne peut cependant pas nier qu’en sortie d’école d’ingénieur, les perspectives en termes de carrière et de rémunération sont plus attractives dans le privé, ce qui peut malheureusement en décourager plus d’un.
Quelles sont, selon toi, les compétences valorisables apprises grâce au doctorat ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, faire une thèse ne se résume pas seulement à repousser l’état de l’art d’un sujet précis. On apprend en particulier à gérer un projet de A à Z, avec des échéances parfois très lointaines. Le rôle de l’encadrement est primordial sur ce point, en aidant à fixer des jalons intermédiaires. Les nombreuses présentations des travaux en conférence ou séminaires sont aussi très utiles pour apprendre à s’exprimer de manière synthétique devant un public souvent averti et pas avare de questions. La diffusion de la recherche peut aussi se faire via le développement d’outils destinés à un public plus large. Même si cela demande du temps, j’ai pu en apprendre davantage sur le développement logiciel en développant en interne l’interface d’AeroSCOPE.Enfin, la rédaction du manuscrit est une étape à part dans la thèse, une épreuve d’endurance nécessitant méthode et organisation. En revanche, les travaux se mènent souvent seuls ou en petite équipe où chacun maitrise un domaine. Je pense qu’on est moins amené à apprendre par la collaboration dans la recherche académique qu’en entreprise.
Comment te projettes-tu professionnellement ?
Je poursuis actuellement ma thèse par un post-doctorat au sein de l’Institute for Sustainable Aviation, une structure visant à regrouper tous les acteurs de la décarbonation de l’aérien. Malgré ce changement de statut je travaille encore sur l’outil AeroMAPS, cette fois pour explorer des enjeux de conception de politiques publiques (taxes, subventions, règlementation, …) pour piloter la décarbonation du transport aérien. Je travaille aussi sur la régionalisation de nos scénarios prospectifs : les usages de l’aérien, les ressources et les dynamiques associées sont en effet très différents dans le monde et il convient de s’adapter à une maille plus fine. Nous voulons à terme que l’outil soit le plus complet possible. Mes collègues intègrent actuellement des méthodes d’analyse de cycle de vie et des modèles climatiques plus fins. À terme, l’objectif serait de s’étendre à d’autres champs disciplinaires, la sociologie par exemple. Au niveau personnel, j’aimerais poursuivre sur ces sujets de modélisation et de pilotage de la décarbonation. Ils sont tout aussi utiles au niveau sociétal que le développement de solutions elles-mêmes. Cette fois, cela pourrait aussi être chez un acteur institutionnel ou privé afin d’être au plus proche des sujets et des décisions, rien n’est pour l’instant défini !
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