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Olivier VOREUX – Ingénieur de Recherche (PhD) en mécanique des matériaux pour l’aéronautique



Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.


Quel parcours avez-vous suivi ? Qu’est-ce qui vous a mené et motivé à effectuer une thèse ?

Issu d’une formation d’ingénieur généraliste (UTT – Université de Technologie de Troyes / Aalto University en Finlande), je me suis découvert un goût plutôt prononcé pour la mécanique. J’ai donc suivi la filière « Génie Mécanique » de l’UTT en vue de travailler dans le domaine de la simulation numérique en mécanique des matériaux. Satisfait de mes enseignements et curieux d’en savoir davantage, j’ai pris part à un Master 2 Recherche en parallèle de mon cursus d’ingénieur, dans cette même école, l’UTT. Ce Master a pour vocation de faire découvrir et d’initier les jeunes ingénieurs aux métiers de la Recherche. Ayant suivi mes cours dans le domaine de la mécanique et m’intéressant également aux matériaux, j’ai opté pour cette formation en M2 à double consonance : Technologie et Mécanique des Matériaux Avancés. De manière évidente, le contenu de formation avait surtout pour finalité les métiers en R&D des secteurs Aéronautique, Spatial, Défense, Automobile et Nucléaire.

Durant ce Master, j’ai eu la chance de rencontrer des intervenants du monde académique mais également industriel, ainsi que d’EPIC (établissements publics de Recherche ayant pour mission l’accompagnement de l’industrie via le transfert de technologies/méthodes depuis le monde académique). C’est à cette occasion que j’ai rencontré des gens de l’ONERA et d’entreprises du secteur aéronautique, domaine qui m’a toujours passionné et vers lequel j’ai très vite souhaité m’orienter. Au grès de mon parcours, j’ai eu l’occasion d’échanger à de nombreuses reprises avec ces intervenants extérieurs. Ces derniers m’ont indiqué le besoin crucial d’Ingénieurs de Recherche dans les secteurs R&D afin de favoriser l’innovation. Face à ce constat, le besoin de passer par la thèse pour espérer rejoindre ces métiers de la R&D m’a semblé indispensable.

Finalement, mon cursus à l’UTT (cycle ingénieur et Master 2 Recherche en double diplôme) s’est clôturé par un stage dans le domaine du spatial. J’ai eu la chance de travailler au sein de l’entreprise ArianeGroup, dans la division « Propulsion liquide – organes de combustion ». Ce stage, très formateur et proche du domaine de la R&D, a terminé de me convaincre que la réalisation d’une thèse serait pour moi un challenge et un réel atout.

Dans la foulée, j’ai donc intégré l’ONERA pour y effectuer une thèse dans un domaine connexe à mon projet de fin d’études, à savoir la fissuration en fatigue dans les superalliages base Nickel (principalement) utilisés dans les disques de turbines haute pression des turbomachines aéronautiques. Cette thèse visait à prédire la fissuration en fatigue-fluage dans un nouveau superalliage base Nickel à l’aide d’un modèle d’endommagement fortement couplé au comportement du matériau. Cette thèse possédait alors 3 volets :

i) la caractérisation expérimentale (sur éprouvettes de laboratoire) du comportement cyclique et de la fissuration en fatigue pure et fatigue-fluage à hautes températures (jusqu’à 700°C) ;

ii) la modélisation de son comportement cyclique et de ses modes d’endommagement par un formalisme phénoménologique ;

iii) et enfin la simulation numérique du processus de fissuration par la méthode des Eléments Finis via l’usage d’outils de remaillage adaptatif et d’un algorithme de suivi de fissure, tout en utilisant des méthodes numériques avancées.

Cette thèse a été très dense et riche d’enseignements, tant sur les développements numériques et expérimentaux que sur les verrous soulevés. Elle m’a permis de mettre mon autonomie et ma force de travail à profit de la communauté scientifique, et j’ai pu valoriser mes travaux lors de colloques et congrès scientifiques en France et à l’étranger.

Actuellement, quel est votre poste et en quoi le doctorat vous a-t-il apporté un bénéfice professionnel ?

Le passage de la thèse vers un poste d’Ingénieur de Recherche à l’ONERA n’est pas systématique, bien que souvent largement encouragé/favorisé, car les compétences acquises au sein du laboratoire sont nécessairement cruciales et adaptées aux travaux en cours. Il y a donc un réel intérêt pour l’ONERA (entre autres) d’embaucher ses jeunes docteurs en vue de leur proposer un plan de carrière dans la Recherche, au regard des enjeux de demain. Après ma thèse à l’ONERA, j’ai eu l’occasion de poursuivre mes activités de recherche dans l’équipe à laquelle j’étais déjà affecté. Cela a été pour moi une réelle opportunité de mettre à profit les compétences développées en thèse au service des missions de mon département « Matériaux & Structures », mais surtout de mon équipe dédiée à la modélisation du comportement et de l’endommagement des matériaux métalliques.

Ainsi, j’occupe désormais un poste d’Ingénieur de Recherche en modélisation mécanique. Je travaille sur différents projets, qui visent d’une part à étudier le comportement mécanique de nouveaux matériaux (métalliques, voire même polymériques), ainsi que leurs mécanismes d’endommagement. Une méthodologie de comparaison essais/simulations est généralement mise en place de sorte à valider les modèles et méthodes proposés. Ce poste a donc une forte connotation numérique et expérimentale. En effet, le développement théorique de modèles de comportement et d’endommagement ainsi que leur implémentation dans un code de calcul éléments finis font partie intégrante de mon quotidien. En parallèle, la définition d’essais expérimentaux et leur dépouillement contribuent à nourrir la réflexion autour des modèles et des mécanismes sous-jacents.

Bien que mes projets diffèrent de ma thématique principale de thèse, cette dernière m’a octroyé de nombreuses compétences transverses. En outre, la gestion de projet, le dialogue entre expérimentateurs et modélisateurs, le travail de veille bibliographique, la rédaction de rapports, publications ou la valorisation à l’oral de travaux ne sont pour moi pas des découvertes !


Avez-vous des conseils à donner à de futurs candidats à une thèse de doctorat en Sciences de l’Ingénieur ?

Je dirai qu’il faut d’abord se concentrer sur ce que l’on veut soi-même, car réaliser une thèse, c’est une décision très personnelle et non vide de conséquences. En effet, l’investissement en temps et en énergie compte pour 3 années. Le processus de réalisation d’une thèse n’est pas linéaire, et les difficultés sont souvent présentes. Il faut se savoir un minimum autonome et résiliant pour se lancer dans un tel projet. L’autonomie, le questionnement récurrent et la capacité à fournir un travail important sont prépondérants pour le succès de ce projet. Néanmoins, la communauté scientifique est riche de personnes passionnées, ce qui rend les échanges très intéressants et formateurs. Le passage par un M2 à connotation recherche semble être un bon compromis pour s’initier aux métiers de la recherche. De plus, j’incite volontiers les étudiants actuels à s’intéresser aux travaux des doctorants des laboratoires rattachés à leurs écoles, car cela donne généralement un bon aperçu du quotidien d’un thésard et d’un ingénieur de recherche. Il ne faut pas hésiter à pousser sa curiosité vers les évènements du type « Ma thèse en 180 secondes » ou bien les « Fêtes de la Science » qui permettent aux étudiants de voir de manière simple et vulgarisée les travaux des thésards présents sur le campus.

Enfin, notre société est en pleine remise en question sur les acquis des dernières décennies et un tournant majeur doit s’opérer en termes d’énergie, de mobilité, de climat… Aussi, je pense qu’inciter à nouveau et de manière massive les jeunes vers les sciences et la technologie ne peut conduire qu’à des progrès notoires dans ces domaines. Les enjeux sont bien présents, il faut des forces vives pour les défier.


Avez-vous pris part à des activités en périphérie de vos travaux de thèse ?

La vie de thésard est particulière, car on reste étudiant (sans pour autant être nécessairement sur un campus universitaire) tout en travaillant pour un organisme qui finance nos travaux. Il y a donc la « double casquette » et cela peut parfois créer des zones de conflit entre le thésard et les parties prenantes (directeur de thèse, référent industriel, directeur de labo, directeur de l’école doctorale, etc…). Du fait de la diversité des acteurs d’un projet doctoral, des institutions représentatives des doctorants sont généralement mises en place dans les universités pour venir en aide (ou simplement servir de support) aux doctorants. Aussi, durant mes années de thèse, j’ai siégé dans différentes organisations autour du doctorat : d’abord au sein du Collège Doctoral de l’Université Paris-Saclay, puis au sein du Conseil de l’Ecole Doctorale à laquelle j’étais rattaché (n°579 SMEMaG – Sciences Mécaniques et Energétiques, Matériaux et Géosciences).

La première organisation vise à définir le cadre administratif et pédagogique du doctorat au sein de toutes les écoles doctorales de l’Université Paris-Saclay, qui représente aujourd’hui un acteur majeur de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche en France et à l’international. J’ai notamment eu l’occasion de siéger avec Mme Sylvie Retailleau, actuelle Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ce qui témoigne du niveau représentatif et décisionnel d’un tel Conseil à l’échelle nationale). En tant que doctorants, nous étions consultés sur les évolutions et améliorations à apporter aux jeunes docteurs en formation, tant sur le plan financier que matériel, mais également humain.

La seconde institution, à plus petite échelle, vise à venir en aide aux doctorants dans leurs démarches administratives et pédagogiques propres à l’Ecole Doctorale dont ils dépendent, tout en aidant également à la résolution des éventuels conflits entre doctorants et encadrants/référents. Le référentiel était donc plus restreint qu’au sein du Collège Doctoral de l’UPSaclay, mais les interactions avec les doctorants plus proches des réalités rencontrées par ces derniers.

Ces deux mandats en tant que représentant des doctorants ont été pour moi des expériences enrichissantes puisqu’ils m’ont donné la possibilité d’œuvrer dans les « coulisses » du doctorat en vue d’améliorer les contours de cette formation de haut niveau, tout en aidant les jeunes chercheurs dans leurs questionnements du quotidien ou face à un conflit donné. J’encourage alors les thésards à prendre part à ces organisations car cela fait vivre et évoluer la formation doctorale.






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