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La thèse CIFRE, le meilleur des deux mondes ?


Lenny JACQUINOT

Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.


Pouvez-vous retracer le parcours qui vous a conduit à entreprendre une thèse ?

Après un bac scientifique et le métier d’ingénieur calcul mécanique en ligne de mire, j’ai débuté mon parcours post-bac à l’université par une licence en ingénierie mécanique avec le bac+5 comme objectif à atteindre. À ce stade je ne connaissais même pas encore l’existence du doctorat.

Lors de ces années en licence, même si j’ai pu côtoyer des enseignants chercheurs ou des doctorants en TD, ce concept de « faire de la recherche » restait très vague pour moi, sans me rebuter ou m’attirer spécialement.

À Bac+4/5, les cours deviennent de plus en plus centrés autour des sujets qui m’intéressent et j’ai cette envie d’aller encore un peu plus loin, je m’inscris alors dans un master recherche en parallèle de ma dernière année d’école.

Les échanges que j’ai pu avoir, que ce soit avec des enseignants chercheurs à la pointe de leur domaine ou avec des chercheurs du secteur privé cherchant à transférer le savoir académique dans le monde industriel, m’ont conforté dans l’idée de découvrir le monde de la R&D dans l’industrie.

En fin de stage de fin d’étude (que j’ai fait en entreprise sur une thématique R&D), lorsque s’est posée la question de chercher mon premier poste, j’étais partagé entre un poste d’ingénieur de recherche en centre R&D et une thèse plutôt appliquée. C’est à ce moment-là que j’ai pris connaissance du dispositif CIFRE qui me paraissait parfaitement adapté à ce que je recherchais : une réelle expérience de recherche tout en restant dans un cadre industriel avec un sujet plutôt appliqué.


Pourquoi une thèse CIFRE ? Quelles sont ses avantages et inconvénients ?

À mon sens le dispositif CIFRE présente de forts avantages pour un ingénieur qui souhaite avoir une expérience de la recherche tout en gardant un pied dans l’industrie. Pendant ces trois années on a un véritable statut d’ingénieur de recherche dans l’entreprise, dans laquelle on se rend plus ou moins fréquemment selon les sujets (1 à 2 jours par semaine dans mon cas). Cette simple différence (par rapport à une thèse en simple partenariat avec un industriel) permet de s’imprégner de la vie d’une entreprise, sa culture, ses méthodes, ses problématiques industrielles et sa vision vis-à-vis de la recherche pour répondre à ses besoins métiers actuels et futurs.

Ensuite, un point fort se fait au niveau de l’encadrement, sujet au combien important. Avoir une entreprise impliquée en supplément fait toujours une occasion supplémentaire d’avoir un tuteur sur lequel compter et une partie prenant supplémentaire en cas de besoin de médiation. Dans mon cas j’étais entouré d’une entreprise et deux laboratoires ce qui m’a permis d’avoir un encadrement de très bonne qualité, chaque partie apportant ses savoirs spécifiques.

En éventuel point faible, et bien il y a tout simplement le fait que l’entreprise et le laboratoire, s’ils s’entendent sur une thématique globale de recherche, n’ont pas exactement les mêmes besoins et les mêmes envies. Il faut alors savoir naviguer entre les demandes des différentes parties qui peuvent parfois diverger.


Comment avez-vous vécu votre doctorat ? A-t-il été compliqué de concilier vie de recherche et vie personnelle ?

Cette expérience de doctorat reste gravée comme l’une des meilleures périodes de ma vie, trois années stimulantes dans un cadre globalement bienveillant et entouré de personnes partageant des centres d’intérêts proches, d’excellent souvenirs que ce soit avec mes encadrants ou collègues doctorants. Il faut bien se rendre compte qu’avoir un travail où l’on est payé pendant 3 ans pour mener les recherches que l’on souhaite avec une liberté presque totale, c’est une expérience assez unique dans le monde professionnel.

Bien évidemment il y a des périodes avec des haut et des bas, ce n’est qu’après les premiers mois que l’on réalise pleinement que d’une part le domaine de connaissance à assimiler est immense, mais surtout que le domaine de l’inconnu est encore plus immense et cela peut entraîner une démotivation en se sentant un peu perdu au milieu de tout ça.

Il faut bien prendre conscience que cela est normal et reste en général passager, le doctorat est un marathon, il n’y a pas besoin d’être à 100% tout le temps. Partager ces moments avec ses collègues, discuter avec ses encadrants aide aussi à mieux gérer toutes ces phases.

Enfin, au niveau de l’équilibre de vie, il est sûr que la thèse demande un investissement important si l’on souhaite produire un travail de qualité. Sur ce point il faut comprendre que ce n’est pas si différent de la vie professionnelle, c’est à chacun de placer son curseur en fonction de ses aspirations et ses besoins. Certains ne feront pas plus d’heures que ce qu’il y a sur leur contrat, d’autres travailleront le soir, les week-ends et les vacances. Il n’y a pas de bonne solution, il faut trouver un rythme qui permettent de conjuguer ses aspirations professionnelles et sa vie privée sans s‘épuiser. Personnellement, je travaillais régulièrement le soir et certains week-ends, mais jamais lors de mes congés.


Quel est ton poste actuel et que t’as apporté ton doctorat dans ce poste ?

Après un premier poste d’ingénieur calcul je suis maintenant responsable du bureau d’études calculs ainsi que pilote sur les thématiques autour de l’industrie du futur. Le doctorat m’a permis de développer une expertise poussée autour des modèles de comportement pour les métaux qui ne s’acquière pas facilement sur un poste d’ingénieur où l’on a moins le temps de parcourir la littérature, tester plusieurs modèles, en comprendre la philosophie… Cela donne une compréhension plus profonde des mécanismes et donc une meilleure utilisation des modèles.

Ensuite, je dirais que le doctorat donne une culture très vaste de par tout ce que l’on peut voir dans son laboratoire et qui est tellement plus large que son sujet de thèse que ce soit en termes de moyens (microscopie, essais, modélisation, simulation…), de sujets (métaux, céramiques, composites…) ou de problématiques industrielles (automobile, aéronautique, énergie…).

Enfin le doctorat, à travers les conférences, congrès ou workshop, permet d’échanger avec de nombreux chercheurs, ce qui permet d’avoir une bonne vision de quel laboratoire possède quel équipement ou spécialité, ce qui constitue finalement un carnet d’adresse qui peut être utile y compris en entreprise lorsque l’on souhaite faire un projet de recherche ou trouver un laboratoire pour mener des essais spécifiques.

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