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De la fascination pour le cinéma à la recherche en IA : un voyage entre passions et découvertes scientifiques


Emma JOUFFROY
Emma JOUFFROY

Pourriez-vous présenter votre parcours avant la thèse ?

Après avoir obtenu mon baccalauréat scientifique, je souhaitais me diriger vers le domaine de l’audiovisuel. Bien que passionné par les sciences dites « dures », le cinéma et la photographie me fascinaient. Lors des journées portes ouvertes de diverses écoles, il m'a été recommandé de postuler au Diplôme Universitaire de Technologie (DUT) Métiers du Multimédia et de l’Internet (MMI) à Bordeaux, réputé pour sa formation et offrant une passerelle vers les écoles de cinéma.

Pendant ces deux années de formation, j'ai malheureusement perdu un membre de ma famille à cause d’une tumeur cérébrale, ce qui a éveillé en moi une profonde curiosité pour le fonctionnement du cerveau. En gardant le cinéma comme passion, et grâce à mes bons résultats académiques, j'ai eu l'opportunité d'intégrer l'École Nationale Supérieure de Cognitique (ENSC). Cette école m'a permis de renforcer mes compétences techniques acquises durant le DUT tout en étudiant les sciences cognitives et en obtenant un diplôme d’ingénieur.

C’est lors d’une conférence à l’ENSC que j’ai découvert mon intérêt pour l’apprentissage automatique, un domaine en pleine expansion qui soulève de nombreuses questions sociétales et offre des perspectives fascinantes pour mieux comprendre le cerveau et les fonctions cognitives. J’ai alors effectué mon dernier semestre d’école d’ingénieur à l’Université de Sherbrooke au Canada, où je me suis spécialisée en imagerie et en intelligence artificielle. Cette spécialisation a été suivie par un stage de fin d’études dans un laboratoire du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), où j’ai développé des algorithmes d’apprentissage automatique appliqués à la vision par ordinateur. À l’issue de ce stage, mon tuteur m’a proposé de poursuivre ce travail en réalisant une thèse de doctorat.

 

En quoi consiste votre thèse en quelques mots ?

Ma thèse a été réalisée en collaboration entre le Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA) et le Laboratoire de l’Intégration du Matériau au Système (IMS). Au sein du CEA se trouve le Laser Mégajoule, un instrument de recherche majeur simulant des conditions de pression et de température similaires à celles des étoiles. Lors des expérimentations, des bras robotisés doivent être positionnés avec une grande précision dans une chambre d'expériences. Pour minimiser les risques d'erreur humaine dans ce contexte expérimental, l'idée a été d'implémenter un système anti-collision automatisé, basé sur l'apprentissage automatique pour interpréter les images capturées dans la chambre.

Ma thèse a porté sur l'amélioration des méthodes neuronales génératives probabilistes, en particulier les auto-encodeurs variationnels. Ces modèles permettent de représenter des images observées dans un espace de dimension réduite par rapport aux données initiales. L’objectif de mes recherches était de concevoir des réseaux de neurones profonds capables de fournir une représentation informative et interprétable, où la position d’un objet dans l’image est clairement identifiable et associée à un niveau de certitude quant à la réponse fournie.

Les expériences et modèles développés durant mon doctorat ont eu deux objectifs principaux : offrir au CEA une preuve de concept sur l'utilisation de cette approche pour améliorer le système anti-collision, et approfondir les connaissances académiques sur l'explicabilité des modèles à travers ce qu’on appelle le « désentrelacement », un enjeu crucial depuis l'émergence des grands modèles de langage.

 

A-t-il été compliqué de concilier vie de recherche et vie personnelle ?

Avant de commencer mon doctorat, j'avais entendu beaucoup de rumeurs sur les difficultés que rencontrent les doctorants à concilier vie de recherche et vie personnelle, souvent perçus comme consacrant tout leur temps à leurs travaux de recherche. Il est vrai que pendant mes quatre années de thèse, à l'approche de la soumission d'un article ou lors de la rédaction de mon manuscrit, il m'est arrivé de perdre la notion des week-ends, de travailler de très longues journées, ou de décliner des invitations à des soirées.

Cependant, je pense que dans n'importe quel travail, il y a des périodes plus intenses qui exigent plus de temps et d'efforts. Malgré ces moments de forte charge de travail, ma vie personnelle n'en a pas souffert et a été très épanouissante ces dernières années. J'ai pu partir en vacances au Maroc et en Grèce, m'engager dans des activités associatives les dimanches soirs, découvrir la poterie, et même me pacser. Toutes ces expériences n'ont en rien compromis la qualité de mon manuscrit de thèse.

 

Quels ont été les éléments importants pour le succès de votre thèse?

Les trois années de doctorat peuvent être ponctuées de moments difficiles. Pour surmonter ces obstacles, j’ai eu la chance d’être soutenue à la fois sur le plan personnel et professionnel par des personnes bienveillantes et intellectuellement stimulantes. Mes directeurs de thèse, le professeur Giremus et le professeur Berthoumieu, ont été des soutiens constants tout au long de mon parcours. Ils m’ont transmis leurs savoirs et connaissances sans juger mes lacunes en mathématiques dues à mon parcours antérieur, et ils m'ont suivi de près grâce à des réunions hebdomadaires. Leur présence et leur bienveillance ont été des éléments clés de la réussite de mon doctorat, sans lesquels il m'aurait été bien plus difficile de mener à bien mes projets. Ainsi, le choix initial du laboratoire de recherche et des directeurs de thèse est, selon moi, fondamental pour maximiser ses chances de succès.

Un autre point crucial pour la réussite de ma thèse a été de trouver du sens dans mon projet de recherche. Travailler trois ans (ou plus) sur le même sujet peut parfois faire perdre de vue les motivations initiales. Il est facile de perdre la vision d’ensemble et de se sentir moins stimulé. Pour éviter cela, j'ai régulièrement pris du recul pour retrouver une perspective globale sur mes travaux et raviver ma motivation. Je me posais des questions telles que : Qu’est-ce qui m’a motivé initialement ? Pourquoi est-ce que je fais cela ? Qu’est-ce que cela va m’apporter ?

Enfin, une caractéristique essentielle qui m’a accompagnée durant ces trois années de doctorat a été la résilience. Il est possible de rencontrer des moments de doute, comme par exemple, découvrir que des modèles que l’on développe ont déjà été implémentés par d’autres équipes de recherche. La résilience m’a permis de transformer ces échecs en opportunités d’apprentissage et de rebondir plus facilement, ce qui a finalement conduit à des contributions significatives.

 

Quel poste occupez-vous aujourd’hui et en quoi votre doctorat vous est-il utile ?

Aujourd’hui, j’occupe le poste de « Research Data Scientist » chez Malt en CDI. Malt est une entreprise qui propose une plateforme mettant en relation des freelances avec des clients via des algorithmes d’apprentissage automatique visant à offrir le meilleur « match » possible. Mes missions sont variées et incluent la proposition de nouveaux algorithmes pour améliorer la plateforme, ainsi que le travail sur des questions de biais, d’équité, et d’explicabilité des modèles.

Les compétences acquises lors de mon doctorat sont fondamentales pour mener à bien ces missions à plusieurs niveaux. Tout d’abord, les concepts de désentrelacement sur lesquels j’ai travaillé sont aujourd’hui un atout précieux pour développer des modèles interprétables et explicables. Ces notions sont fréquemment rencontrées dans mon travail actuel, et je suis capable de les manipuler et de les expliquer clairement à mes collègues.

Ensuite, le doctorat m’a permis d’acquérir une capacité rapide à monter en compétences sur de nouveaux sujets. Cela a été particulièrement utile au début de mon poste, lorsque j’ai dû développer des modèles de traitement du langage naturel, un domaine que je n'avais pas encore exploré. Les compétences acquises durant mon doctorat m’ont aidé à comprendre rapidement de nouvelles notions et à manipuler de nouvelles modalités de manière efficace.

Enfin, la communication, la vulgarisation et la présentation des résultats, compétences développées au cours de mes trois années de thèse, notamment lors de conférences et workshops, sont également très utiles dans mon travail actuel. Je suis souvent amenée à faire des présentations et à vulgariser les résultats obtenus, et ces compétences sont essentielles pour communiquer efficacement avec mes collègues et les parties prenantes.

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