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De la recherche en mathématiques appliquées à l’engagement pour les femmes en sciences


Madeleine KUBASCH
Madeleine KUBASCH

Merci beacoup pour votre témoignage

 

Pourriez-vous nous présenter votre parcours et ce qui vous a motivé à faire une thèse ?

À l’issue du baccalauréat, je me suis engagée en double licence biologie-mathématiques, ce qui m’a permis d’obtenir deux licences. J’ai effectué deux années en double majeure à Sorbonne Université, avant de terminer ma licence de maths à Sorbonne Université en 2018, et la licence de biologie au Magistère Européen de Génétique de l’Université de Paris (devenue Université Paris Cité) en 2019. Afin de me spécialiser en modélisation mathématique pour les Sciences du Vivant, j’ai poursuivi en master de Mathématiques Appliquées à Sorbonne Université, que j’ai obtenu en 2021. Au cours du master, mon goût pour les mathématiques s’est pleinement affirmé, ce qui a confirmé ce choix et j’avais envie d’aller au-delà du master. Mes divers stages en recherche publique et R&D en entreprise m’ayant par ailleurs attirée vers la recherche, j’ai donc décidé de continuer en thèse.  

 

En quoi consiste votre thèse en quelques mots ?

Ma thèse, intitulée « Approximation de modèles stochastiques d’épidémies sur grands graphes multi-niveaux » et réalisée sous la direction de Vincent Bansaye (CMAP, École polytechnique) et Elisabeta Vergu (MaIAGE, INRAE), était motivée par des enjeux de santé publique. En effet, pour ralentir une épidémie, des interventions comme le télétravail ou les fermetures d’écoles consistent à réduire spécifiquement certains contacts de la vie quotidienne. Afin d’analyser et prédire l’effet de ces mesures, les modèles épidémiques multi-niveaux distinguent plusieurs types de contacts dans la population, par exemple au domicile, à l’école ou au travail.

Dans ma thèse, j’ai principalement étudié un de ces modèles, pour mieux comprendre comment la répartition des individus en domiciles et lieux de travail influence la dynamique épidémique. À l’aide de simulations numériques, j’ai identifié plusieurs indicateurs de cet impact, en lien avec l’identification de stratégies de télétravail efficaces. Néanmoins, le modèle étant riche en informations, il est difficile à étudier, tant par simulations que par analyse mathématique. Pour y remédier, j’ai développé deux modèles réduits, qui approchent la dynamique épidémique d’intérêt tout en étant plus maniables. Le premier consiste en une approximation facilement paramétrisable, satisfaisante numériquement, mais sans garanties théoriques de précision. Par une étude mathématique poussée, j’ai obtenu une seconde réduction nécessitant plus de paramètres, qui devient exacte en grande population.

Ainsi, ces résultats facilitent l’analyse de modèles épidémiques multi-niveaux. Sur le long terme, ces avancées peuvent permettre d’améliorer la compréhension, et donc la conception, d’interventions basées sur la restriction ciblée des contacts.

 

Quel est votre travail aujourd’hui ? Et quelles sont vos principales satisfactions ?

Actuellement, je suis post-doctorante dans le cadre d’un projet interdisciplinaire dont l’objectif est de comprendre l’influence du paysage agricole sur la biodiversité. Ce projet se situe à l’interface entre écologie et mathématiques, en collaboration avec Nicolas Loeuille (iEES, Sorbonne Université) et Manon Costa (Institut Mathématique de Toulouse).

Je continue d’apprécier le milieu de la recherche académique, et particulièrement la richesse des échanges scientifiques, qu’ils soient au sein des mathématiques ou à l’interface d’autres disciplines. Par ailleurs, mes recherches me permettent de travailler sur des thématiques à haut enjeu sociétal, comme la santé publique ou la transition agricole, ce qui me tient particulièrement à cœur.

 

Les femmes sont sous représentées dans le domaine du STEM (Science-Technology-Engineering-Mathematics), comment avez-vous vécu cette situation ?

Si la sous-représentation des femmes dans la recherche en mathématiques est indéniable, je n’en ai pas ressenti négativement le poids dans mes expériences de recherche, qu’il s’agisse de stages, de la thèse, ou du post-doc. J’ai plutôt l’impression d’avoir été accueillie dans une communauté qui est consciente de ce déséquilibre, et qui cherche à améliorer la situation.

Un constat important à ce sujet, c’est que la proportion de femmes décroît au fur et à mesure qu’on avance dans la carrière scientifique. Par exemple, en mathématiques appliquées à l’Université (Section 26), il y avait en 2020 seulement 34% de femmes parmi les maîtres de conférences, et 18% de femmes parmi les professeurs. Cet effet n’est pas propre aux mathématiques, et a incité l’association Femmes & Sciences à proposer un programme de mentorat pour doctorantes. J’ai eu la chance d’y participer en 2ème année de thèse, ce qui a été une expérience enrichissante. J’ai par ailleurs reçu en 2024 le Prix Jeunes Talents France L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science, qui consacre tous les ans 35 jeunes chercheuses pour la qualité de leur recherche, afin de mettre en lumière les femmes scientifiques.

La sous-représentation des femmes en maths m’a toujours interrogée, et en se renseignant on se rend compte que le décrochage se produit bien en amont des études supérieures (voir la note « Le décrochage des filles en mathématiques dès le CP : une dynamique diffuse dans l’ensemble de la société » de la Chaire Femmes et Sciences de l'Université Paris Dauphine – PSL). La bonne nouvelle, c’est que beaucoup d’actions existent pour y remédier, et j’ai donc décidé de me lancer : speed-meetings pour faire découvrir les métiers liés aux maths et à l’informatique, mentorat pour suivre une lycéenne sur le temps long, exposés de vulgarisation au collège ou lycée… Certaines de ces interventions nécessitent très peu de temps de préparation, ce qui m’a permis de les incorporer aisément dans ma vie professionnelle.

 

Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaite se lancer dans une thèse ?

La thèse, c’est une aventure humaine tout autant que scientifique. Une bonne expérience de thèse repose sur deux ingrédients majeurs : le sujet de thèse, et l’encadrement. Il est important de ne pas négliger ce dernier : si le sujet scientifique peut souvent être adapté en cours de route, l’encadrement est la constante de la thèse. Par conséquent, s’il est possible de réaliser un stage en amont de la thèse, c’est une expérience précieuse pour découvrir à la fois le sujet, la recherche et l’environnement dans lequel évolue le doctorat (encadrement, ambiance dans le laboratoire, etc).

Par ailleurs, il est aussi intéressant de se renseigner sur les missions doctorales envisageables en parallèle de la thèse, comme l’enseignement, la diffusion scientifique, la valorisation de résultats de recherche, ou encore les missions d’expertise. C’est une véritable ouverture pendant le doctorat, qui peut permettre également de préparer l’après-thèse en recherche publique ou au-delà : qualification pour accéder aux postes de maître de conférence, expérience en entreprise, médiation scientifique…

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