Des cordes de Guitare aux Feuilletages Singuliers : Le Parcours Inspirant d'un Chercheur Haïtien

Ruben LOUIS

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Parle-nous un peu de tes études ?

J'ai fait mes études classiques dans la commune de Carrefour en Haïti. J'ai commencé à me découvrir une passion pour les mathématiques en essayant de comprendre la logique des harmonies musicales, des distances entre les notes de la guitare, que je joue à un niveau assez avancé. Cette passion m'a permis d'intégrer l'École Normale Supérieure de l'Université d'État d'Haïti.

Mes études de master ont été rendues possible grâce la collaboration fructueuse entre l'ENS et l'université de Poitiers en France. Lauréat de ma promotion, j'ai été bénéficiaire d'une bourse Erasmus+ pour mon stage à l'université de Poitiers (France).

J’ai alors obtenu un financement complet de la Région Grand Est pour m’inscrire à mes Études doctorales.  

Sur quelle thématique as-tu travaillé pendant ta thèse ?

 C'est une thèse en mathématiques fondamentales où la question est de relier trois notions fondamentales des mathématiques : 

            • La notion de singularité,

            • La notion de symétrie,

            • Des notions devenues naturelles depuis la naissance de la mécanique quantique. 

 Ce sujet est justifié par de nombreux problèmes en physique mathématique : la plupart des théories modernes de quantification sont par exemple des théories de jauges. C'est-à-dire que l’on a un « espace des possibles » qu’on appelle espace des phases, lequel à souvent des points singuliers, et l’on doit construire une théorie invariante par toutes les symétries (le groupe de la relativité générale par exemple).  Ma thèse étudie ce problème en toute généralité, dans le cadre de ce que l’on appelle les "feuilletages singuliers". Elle consiste essentiellement en quelques résultats remarquables qui disent dans deux contextes différents : "on peut rendre sans singularités l’ensemble des symétries d’une certaine classe d’objets".

Qu'est-ce qui t' a motivé à entreprendre une thèse de doctorat et de continuer dans la recherche ?

En tant qu’étudiant, j’ai toujours su que je voulais progresser en mathématiques, et c’est plus qu’un plaisir de me voir avancer dans cette direction.

Plusieurs motivations m’ont enhardi à faire une thèse de Doctorat. Premièrement, ma passion pour les mathématiques me pousse toujours à avoir une immense curiosité pour aller plus loin que possible. Et aussi, mes professeurs en Haïti, à qui je suis profondément redevable, m'a toujours dit de poursuivre une carrière dans la recherche.

Je comprends maintenant pourquoi : J'ai été surpris que le « Prix de thèse IAEM» 2023, que j'ai reçu pour mon doctorat travail à l'Université de Lorraine, a fait la une du "Nouvelliste", peut-être le plus célèbre journal diffusé en Haïti. J'ai réalisé qu'une telle nouvelle résonnait comme une source de motivation pour les jeunes universitaires haïtiens en herbe, espérant pouvoir réussir leur parcours scolaire malgré leur origine ou les situations compliquées du pays.

J'ai alors compris à quel point j'ai de la chance d'avoir pu parcourir un si long chemin, mais je suis conscient qu'il y a encore d'autres défis à relever. Je sais à quel point la culture de la recherche est exigeante. Vu ce que j'ai déjà réalisé, je me suis convaincu que je peux le faire.

Parle-nous de ton prix de thèse : Quel est ce prix ?

L'école doctorale IAEM de l'Université de Lorraine décerne chaque année un prix de thèse à un manuscrit qu'elle considère particulièrement méritant parmi cinq disciplines différentes : Informatique, Automatique, Electronique-Electrotechnique, Mathématiques et Sciences de l'Architecture de l'Université de Lorraine.

Pourquoi as-tu obtenu ce prix ?

Ce prix récompense mes travaux sur "Les algèbres supérieures universelles des espaces singuliers et leurs symétries" réalisée sous la direction de Camille Laurent- Gengoux, professeur à l'Université de Lorraine.    

Avec quel sentiment as-tu obtenu ce prix ?

C'est évidemment un moment de grand bonheur et de validation pour tout le travail acharné et le dévouement que j'ai mis dans mon doctorat. C'est vraiment un honneur d'être reconnu pour mes recherches et de les voir impacter le domaine. Ce prix m'a motivé encore plus à poursuivre l'excellence dans ma carrière universitaire et à contribuer davantage à l'avancement des connaissances dans mon domaine.

Je suis particulièrement ravi de recevoir ce prix, car il revêt une importance particulière pour moi en tant que chercheur haïtien. Malgré les défis et les circonstances difficiles en Haïti, je suis déterminé à utiliser cette réalisation comme source de motivation et d'inspiration pour les jeunes Haïtiens.

Je veux leur montrer qu'avec du travail acharné, du dévouement et une passion pour le savoir, il est possible d'exceller et d'avoir un impact positif, quelles que soient les circonstances auxquelles nous sommes confrontés. J'espère que mon succès pourra servir de lueur d'espoir aux jeunes Haïtiens, les encourageant à poursuivre leurs rêves, à embrasser l'éducation et viser l'excellence. Je veux être un exemple qui démontre que notre potentiel ne connaît pas de limites et que nous avons le pouvoir de façonner un meilleur avenir pour nous-mêmes et notre pays.

Qu'est-ce que ce prix va t'apporter dans ta carrière ?

Avec ce prix, je suis dans une excellente situation pour poursuivre ma carrière d'enseignant-chercheur international. Pour commencer, j'ai obtenu un postdoc où je partage mon temps entre les universités de Jilin (Chine) et Göttingen (Allemagne) durant trois années.