Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Quel est votre parcours ?
Je me suis orienté rapidement vers les matériaux dès ma dernière année de lycée, en intégrant la prépa intégrée de l’Ecole de Chimie de Rennes. Mon but était de travailler dans le domaine des matériaux, car c’est celui qui me semblait le plus transverse et en terme d’applications, et en termes de domaines scientifiques/technologiques.
J’ai ensuite réalisé mon cycle ingénieur à l’Ecole de Chimie et Physique de Bordeaux, en réalisant une année césure afin de partir en stage à l’étranger (Belgique flamande). Diplômé en 2011, je suis parti dans la foulée pour les Terres Australes et Antarctiques françaises, pour une mission scientifique de 14 mois sur un îlot au dessus de l’Antarctique. Cette mission me faisait rêver depuis mes 10 ans, et on ne peut l’effectuer qu’une fois dans sa vie.
Au retour, j’ai réalisé un doctorat au CEA sur les micropiles à combustible planaires.
Après ma thèse, j’ai quitté la R&D, pour intégrer le consulting informatique, d’abord chez un éditeur de logiciel de gestion de données techniques, puis chez un éditeur de Solution pour les Ressources Humaines (SIRH). En 2020, j’ai créé une agence pour mon entreprise à Rennes, et recruté 4 personnes depuis.
Pourquoi une thèse appliquée ?
Le partenariat du laboratoire avec un industriel et le développement de prototypes avec une visée de ligne pilote était ce qui a principalement motivé mon choix. Tester des hypothèses, améliorer des processus de mise en forme, des compositions, réaliser des caractérisations à la fois fine au niveau matière et globale au niveau système étaient mes principaux moteurs.
Pourquoi cette bascule vers l’informatique ?
Les 3 années de thèse m’ont eu l’air assez longue, et bien que tout le travail effectué en R&D soit important, on voit rarement l’application de son propre travail, au moins à court-terme. J’ai donc décidé de basculer dans un domaine qui me permettait d’être en prise direct avec des réalisations, d’être responsable, avec des échelles de temps beaucoup plus courtes.
C’est ce que m’offrait le consulting et la gestion de projets chez des éditeurs de logiciels, analyser, réaliser, livrer et avoir ses réalisations utilisées dès le lendemain par des centaines ou des milliers d’utilisateurs, pour répondre à un besoin donné.
Est-ce que le doctorat a été un frein ou un tremplin ?
Le doctorat n’a absolument pas été un frein pour moi, bien au contraire. Cela m’a donné certaines légitimités lors des entretiens sur mes capacités à apprendre des langages que je ne maîtrisais pas, sur la capacité à tenir le coup même quand c’est difficile (un projet de 3 ans avec un manuscrit et une soutenance, c’est un projet assez long), de faire face à l’inconnu, de savoir trouver l’information et prendre en charge des problématiques complexes.
J’ai effectué dans mes formations pendant la thèse un parcours Innov’Doc, visant à présenter et à préparer la vie des docteurs en entreprise, avec des intervenants sur la vente, le management et les entretiens de recrutement notamment, et un partage d’expérience vraiment très intéressant, qui m’ont fait comprendre que le Doctorat ne devait pas être forcément une restriction vers un domaine très précis, mais un atout supplémentaire et une expérience de vie applicable dans tous les domaines. Depuis, les aspects avant-vente, gestion de projet, problématiques fonctionnelles et techniques, réalisations de présentation sont mon quotidien et ne sont absolument pas incompatibles avec la formation par la recherche, bien au contraire.
Avez-vous rencontré d’autres profils similaires ?
Je rencontre des profils similaires justement dans l’informatique, dont le recrutement a toujours été une satisfaction. En effet, comparativement aux profils ‘classiques’ rencontrés par exemple dans les entreprises de service du numérique, ces profils ont tendance à faire preuve des qualités décrites ci-dessus, et donc bien adapté à des contextes évoluant très rapidement. C’est parfois au niveau de l’organisation du travail ou de la capacité à être ferme que des lacunes sont présentes dans un premier temps chez les docteurs.
Quel conseil pour des doctorants/jeunes docteurs
N’ayez pas peur de sortir de votre domaine si vous ressentez que votre volonté n’est pas de devenir expert, et n’ayez absolument pas honte de vos années de doctorat. Ce ne sont pas 3 ou 4 années perdues, ce sont 3 ou 4 années où vous avez appris à apprendre, à comprendre des domaines complexes, à tester des hypothèses, à rédiger, à faire des présentations, à vous tromper, à recommencer, à essayer de réfléchir différemment… Tous les domaines professionnels ou presque ont un grand besoin de ces qualités. Que ce soit dans l’informatique, dans l’industrie, dans le domaine social, la finance ou tout autre domaine, ces qualités sont très recherchées, il faut donc bien les valoriser.
Le plus grand défaut courant des docteurs que j’ai pu observer est un manque de confiance dans le fait d’avoir une grande valeur ajoutée, parce qu’on n’a pas étudié tant d’années sur tel domaine, ou qu’on n’a jamais travaillé dans tel secteur.
Ce sont des freins que l’on s’impose soi-même, avec une argumentation réfléchie en amont, il est tout à fait possible de convaincre les recruteurs de toutes les qualités acquises pendant le doctorat, et qu’ils passent d’une perception de ‘trou’ sur le CV à une expérience à forte valeur ajoutée, type MBA. Un peu d’entraînement pour se ‘pitcher’, et les portes s’ouvrent.