La recherche en sciences humaines peut-elle être un cadre de pensée pour travailler dans la communication et le marketing ?
- Julien FERE

- il y a 19 heures
- 4 min de lecture

Ambassadeur du doctorat pour l’Ile de France
pour le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
Fraîchement sorti de classe préparatoire au début des années 2000, j’ai intégré le CELSA (la grande école de communication de Sorbonne Université) un peu par hasard, beaucoup parce que j’avais découvert les travaux de Roland Barthes en critique littéraire et découvert qu’il travaillait aussi avec le groupe Publicis sur l’analyse publicitaire. Mon premier stage a été un choc : j’ai rejoint le groupe France Télécom (devenu Orange) à la direction marketing et j’ai découvert l’univers des cahiers de tendances. A l’époque, l’opérateur essayait de se différencier de ses concurrents en incitant les constructeurs de téléphones mobiles (Nokia, Blackberry etc.) à concevoir des modèles exclusifs pour lui : couleurs, formes, matières etc. Pour cela, il achetait les cahiers de tendances issus de la mode et de l’art de vivre et proposait des gammes colorielles, des références de matériaux etc.
Ce sujet des tendances est devenu mon sujet de recherche. Comme le signe de Roland Barthes, ce concept faisait le pont entre des objets matériels et des concepts valorisés dans la société. Les tendances étaient omniprésentes dans la mode, la décoration, la technologie -bref dans la consommation- et les médias en faisaient un vecteur d’identité fort. Pourtant, en sciences humaines et sociales, peu de chercheurs s’étaient penchés sur la question et seul le sociologue Guillaume Erner a commencé à publier au moment où j’ai commencé mon parcours de recherche. En sciences de l’information et de la communication, ma discipline de rattachement, le concept était totalement absent.
Dans le département marque du CELSA (qui s’intéresse à la communication et aux échanges marchands), j’ai construit cet objet au travers d’un master recherche puis d’un projet de thèse. J’étais fasciné par le terrain et j’ai tout de suite vu le maillage théorique autour des médiations qui pouvait me permettre de l’éclairer. J’ai aussi été inspiré par la figure de Roland Barthes entre le monde universitaire et la société, en acte et pas seulement en observation et décidé de faire financer ma thèse au travers d’un dispositif CIFRE. La chose n’était pas courant en sciences humaines et dans le monde des agences de communication, on n’en avait jamais entendu parler. J’ai convaincu -à l’époque je pensais en raison de l’intérêt financier, maintenant je me dis que ceux qui m’ont embauché y ont vu aussi un fort intérêt pour mes dispositions théoriques et méthodologiques-.
6 ans plus tard et beaucoup de sueurs froides (mener une vie de thèse et une vie professionnelle de front, surtout après les 3 ans de CIFRE c’est travailler pendant ses vacances, ses week-ends, c’est passionnant mais aussi fatigant), j’ai soutenu ma thèse et élargi mon champ de recherche aux concepts qui circulent dans le champ professionnel du marketing et de la communication. J’ai aussi découvert un métier -le planning stratégique- qui est le plus conceptuel de l’agence de communication et qui m’a donc permis de mettre à profit et de valoriser mes compétences de docteur.
Ma carrière professionnelle a pris corps : direction de planning stratégique en agence, puis directeur de la communication chez SNCF et enfin partner marketing et communication en cabinet de conseil chez Onepoint. Je suis passé d’une posture de faiseur à celle d’un chef d’orchestre avec une équipe de plus de 30 personnes, des problématiques liées au développement de mon entreprise et des sujets clients (Velvet, Loreal, Monoprix, Leroy Merlin etc.).
Côté enseignement et recherche, j’ai découvert le plaisir de la transmission au tout début de ma thèse, dès ma première année de CIFRE. Aujourd’hui, je suis professeur associé dans le département marque du CELSA et je participe à toute la vie de nos étudiants : recrutement, enseignement, choix des intervenants et suivi des mémoires de fin d’étude. J’ai eu l’occasion de collaborer sur de nombreuses publications et, dans le cadre de l’éditorialisation de ma thèse, de fonder la collection « Les dessous de » aux Editions Ellipses, dédiée au marketing et à la communication qui accueille les récits de chercheurs et de professionnels (10 opus à son actif).
Mais ce que je préfère, que cela soit dans ma vie en entreprise ou à l’université, c’est accompagner et voir grandir de jeunes pousses, les accompagner sur le chemin de la recherche ou de la vie professionnelle. J’ai accompagné une thèse CIFRE sur le sujet de la Parisienne (et j’aimerais en accompagner d’autres chez Onepoint si la bonne rencontre se fait) et j’ai accepté récemment, sur proposition de Sorbonne Université, de devenir l’un des 4 ambassadeurs du doctorat pour l’Ile de France pour le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la recherche. Cette mission pour moi est fondamentale. D’un côté pour accompagner les vocations et faire naître de jeunes doctorants. De l’autre pour promouvoir le dispositif du doctorat en entreprise, et notamment en sciences humaines, notamment dans le cadre de dispositifs encore méconnus comme le CIFRE. C’est dans l’ADN de Onepoint qui a fondé un institut de recherche qui asile ce type de dispositifs (notamment) et cela rejoint mes convictions profondes -bref : écrivez-moi !-.





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