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François USSEGLIO-VIRETTA, Battery scientist at National Renewable Energy Laboratory, Colorado, USA




Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.


Pourriez-vous présenter votre parcours ?

J’ai suivi un cursus d’ingénieur mécanique-modélisation à l’université de technologie de Belfort Montbéliard (UTBM) pendant les années 2007-2010. J’en garde un très bon souvenir avec en particulier une première expérience à l’international. J’ai eu la chance de partir un an au Korea Advanced Institute of Science and Technology (KAIST) : un semestre en tant que stagiaire dans un laboratoire suivi d’un deuxième semestre en tant qu’étudiant. J’ai ensuite réalisé mon stage de fin d’étude au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), plus précisément à Grenoble au Laboratoire d'Innovation pour les Technologies des Energies Nouvelles et les nanomatériaux (LITEN). Je n’avais alors pas de préférence particulière pour ma carrière (industrie ou recherche ?) et le stage m’a permis d’avoir une meilleure vision du travail de recherche. L’expérience en laboratoire m’a plu et j’ai enchainé sur un CDD de 6 mois et enfin ma thèse (2011-2015), toujours au CEA-LITEN. J’ai ensuite quitté la France pour un post-doctorat au National Renewable Energy Laboratory (NREL) dans l’état du Colorado aux USA où j’ai maintenant un statut de chercheur permanent.


Pourquoi avez-vous décidé d’effectuer une thèse ?

Une thèse dure 3-4 ans en France, ce qui laisse le temps de se plonger dans un domaine de connaissance. Cette perspective de travailler sur un projet au temps-long, relativement peu courante dans le monde du travail, m’a intéressé dès le début. Le facteur déterminant dans mon cas reste néanmoins mon stage de fin d’étude au CEA-LITEN. Il n’y a rien de mieux que de travailler avec des chercheurs pour se rendre compte si l’on souhaite en faire sa carrière. L’aspect utile pour la société du domaine de recherche, les énergies renouvelables dans mon cas, a été le deuxième facteur clé car il donne du sens au travail et motive. La perspective de travailler à l’internationale, comme c’est mon cas maintenant, a été également une des raisons de faire une thèse (un chercheur peut s’exporter facilement, selon le domaine d’étude).


Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaite se lancer dans une thèse ?

Discuter avec des chercheurs du domaine où l’on souhaite travailler est primordial pour être sûr de son choix. Faire un stage dans un laboratoire de recherche aide beaucoup : non seulement cela permet de se familiariser avec le travail de recherche mais aussi de nouer des contacts professionnels dans le milieu.

Un bon début de thèse est critique pour le bon succès du projet. Trois ans passent vite, et il ne faut pas perdre du temps. Une clé du succès est la littérature : il faut lire beaucoup d’articles en début de thèse pour cerner les aspects importants du problème étudié. Une erreur classique est de se focaliser uniquement sur les aspects techniques, alors qu’un chercheur se doit de connaitre le contexte, les chiffres clés, et les enjeux du sujet. Il y également une dimension communautaire : à force de lire des articles on en vient à identifier les groupes de recherche clés qui publient le plus dans le domaine. In fine, il est important d’acquérir non seulement une connaissance technique, mais aussi une culture globale ou générale du sujet d’étude. La première donne une légitimité et une confiance en soi, tandis que la deuxième est nécessaire pour engager des discussions avec les collègues, nouer des collaborations et monter des projets.

Le choix du sujet de thèse est extrêmement important : il conditionne le début de carrière et détermine votre champ d’expertise. Il se doit donc s’être choisi selon ses préférences personnels mais aussi des perspectives de carrière dans le domaine. Il est aussi important de bien discuter avec le ou les directeurs de thèse les premières semaines pour avoir une bonne connaissance du projet et identifier les étapes majeures nécessaires au succès. Idéalement, même s’il n’y a pas de règle générale et que cela dépend du domaine, un sujet de thèse se doit d’être équilibré. Par exemple, dans les batteries, les profils les plus recherchés ont à la fois des compétences de modélisateur numérique et des compétences d’expérimentateurs.


C’est quoi une journée typique de chercheur ?

L’organisation du travail est de bas en haut dans mon laboratoire : si les objectifs globaux viennent de la hiérarchie et des institutions qui nous financent, le choix des méthodes nous est laissé. Dans mon cas, la majeure partie de mon temps est dédiée à l’écriture de code (je suis avant tout un modélisateur numérique !) et dans la plupart des cas je suis force de proposition pour décider de l’approche à suivre. Cela donne une flexibilité du travail très appréciable et encourage beaucoup l’innovation. C’est une partie de mon travail que j’apprécie beaucoup car elle est synonyme d’autoformation et d’apprentissage de nouvelles méthodes. Cela impose également d’avoir une vision globale du problème, car écrire un modèle numérique n’est qu’un aspect du travail : une méthodologie de validation doit être établie, ce qui impose de collaborer avec des expérimentateurs (un chercheur travaille en équipe) et d’avoir une bonne connaissance des limites pratiques et non uniquement des limites théoriques.

Après plusieurs années de modélisation numérique dans un domaine particulier, on en vient à disposer d’une librairie de codes et de données. Dans mon cas, cela a abouti à des codes open-source librement accessible pour lesquels je gère le développement et le support. Si la pratique de l’open-source varie d’institutions en institutions, c’est une partie de mon travail que j’apprécie car elle permet d’engager avec la communauté scientifique et de construire petit à petit un recueil de code pour tous. On en vient à apprendre du développement d’interface utilisateur, et à écrire de la documentation.

Nous avons souvent des appels de projet de la part d’institutions. Un objectif est énoncé (par exemple, charger une batterie de voiture électrique en 5 minutes), et à nous de monter un projet pour y répondre. C’est un travail collaboratif qui impose de réunir une équipe aux profils variés et complémentaires, écrire un budget, et définir des objectifs mesurables associés à un calendrier. C’est aussi une bonne opportunité pour nouer des collaborations avec d’autre collègues ou des industriels. De manière très pratique, cela nous indique aussi où sont les attentes dans un domaine de recherche.

Enfin, une partie importante du travail de chercheur consiste à communiquer : écrire des articles et participer à des conférences. Assez intimidant au début, c’est maintenant une de mes activités préférées. Il est très gratifiant de publier un article car cela consiste en pratique à mettre en forme le résultat de plusieurs mois, voire d’années de recherche, bref le sentiment du travail accompli. Enfin, les conférences, passé le stress des premières fois, deviennent une récompense (on voyage beaucoup) et deviennent le lieu de prédilection pour rencontrer les collègues.

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