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Laurence WILLEMET, L'Essence du Sens du Toucher dans la Révolution Robotique.


Laurence WILLEMET
Laurence WILLEMET

Merci d'avoir accepté l'interview.


 Version française


Quel a été ton parcours avant la thèse ?

A la sortie du lycée, j’ai longuement hésité entre des études de médecine et des études d’ingénieur. En choisissant médecine, j’aurais fait une croix sur l’ingénierie et les sciences physiques en général mais en choisissant l’ingénierie je me suis dit que je pourrais toujours trouver un moyen de rejoindre le domaine de la santé. C’est alors qu’ont débutées mes 2 années de classe préparatoire au Lycée Champollion à Grenoble.

Apres ces 2 années de labeur, j’ai intégré l’Ecole des Mines de Saint Etienne (cycle ISMIN) avec pour but de me spécialiser en bioélectronique en dernière année. Malheureusement, l’électronique n’était vraiment pas ma tasse de thé, j’ai donc décidé de réaliser un échange avec Telecom Physique Strasbourg en 3eme année afin de suivre le cursus TIC Santé et le Master IRIV (Imagerie, Robotique et Ingénierie du Vivant).

En 2017, j’ai eu la chance d’effectuer mon PFE au NearLab, un laboratoire spécialisé en robotique chirurgicale au sein de Politecnico di Milano en Italie. Mon travail portait alors sur la réduction de la fatigue musculaire lors d’une tache de suture assistée par robotique. La recherche m’a passionnée et j’ai alors décidé de continuer en doctorat. Ayant eu l’opportunité de tester plusieurs robots chirurgicaux (dont le célèbre Da Vinvi), je me suis rendue compte que le sens du toucher était très peu restitué au chirurgien lors de l’accomplissement d’une tache. Je me souviens m’être entrainée pendant des heures avec le même training que celui utilisé par les chirurgiens pour prendre en main le robot. Il fallait faire passer des anneaux le long d’un tube sans le toucher avec uniquement un léger retour de forces lorsque l’on s’en approchait dangereusement. Cela a provoqué beaucoup de frustration mais m’a donné également l’envie (et le courage) d’améliorer les machines de demain !


En quoi consiste ta thèse en quelques mots ?

Lorsque nous manipulons des objets, nous nous fions à notre sens du toucher pour percevoir la douceur d’une framboise, la finesse d’un point braille ou encore la rugosité du papier de verre. Dans le cas d’objets fragiles, pour cueillir une framboise par exemple, il est important d’appliquer exactement la bonne force de préhension afin de cueillir la framboise sans l’écraser entre nos doigts. Et pour ce faire, nous sommes dotés d’un super-pouvoir. En pratique, nous serrons tous les objets avec une marge de sécurité de 20% en moyenne. Ce comportement se produit inconsciemment, votre système nerveux le fait automatiquement ; cependant, on ne sait pas grand-chose sur la façon dont il procède. Pendant ma thèse, j’ai découvert que nous appliquons cette force de préhension grâce à toute sorte d’informations tactiles que nous collectons grâce au sens du toucher, en particulier grâce à des mécanorécepteurs qui se trouvent dans notre peau. En fait, lorsque notre peau se déforme, ces petits récepteurs transmettent rapidement des influx au système nerveux qui les analysent et renvoie des informations aux muscles.


Mais à quoi ça peut bien servir ?

Mon but, c’est de pouvoir développer des robots dotés d’un sens du toucher en s’inspirant de l’humain. Développer des capteurs capables de sentir pourraient alors aider les amputées, grâce à des prothèses sensorielles. Ou encore, un robot chirurgical qui permettrait au chirurgien de ressentir la raideur ou la texture d’un organe pourrait voir le jour dans un futur proche.




Et maintenant, que fais-tu ?

Après un premier postdoc au sein de TU Delft aux Pays-Bas, j’ai pris la décision d’écrire un projet de demande de bourse à la commission Européenne et j’ai répondu à l’appel à projets Marie Curie. En plus d’être un exercice d’écriture passionnant, j’ai adoré imaginer ce que j’aimerai voir naitre dans 10 ans. J’avais l’impression qu’on me demandait juste de rêver ! C’est une bourse très sélective mais j’ai eu la chance d’être sélectionnée et j’ai alors commencé mon projet au sein du MIT à Boston, aux Etats-Unis.


Quels conseils donnerais-tu a un(e) futur(e) docteur(e) souhaitant poursuivre une carrière académique ?

Je visualise souvent la recherche comme un cercle de connaissance. Quand on travaille dans un domaine très précis, on vient chatouiller un peu la frontière à un point donné de ce cercle. Mais pour réussir à vraiment la repousser, je suis convaincue qu’il faut parfois se balader dans ce cercle et aller voir ce qui est utilisé dans d’autres domaines. D’où mon conseil, « aller voir ailleurs » : un autre domaine, un autre environnement, ça ne vous donnera que plus de clés pour mieux appréhender votre sujet par la suite !

 


English version

The Essence of the Sense of Touch in the Robotic Revolution

 

What was your journey before your thesis?

Upon leaving high school, I hesitated for a long time between pursuing medicine and engineering studies. Choosing medicine would have meant giving up engineering and physical sciences in general, but by choosing engineering, I thought I could still find a way to contribute to the field of health. That's when my two years of preparatory classes at Lycée Champollion in Grenoble began.

After these two years of hard work, I joined the Ecole des Mines de Saint Etienne (ISMIN program) with the goal of specializing in bioelectronics in the final year. Unfortunately, electronics was really not my cup of tea, so I decided to do an exchange with Telecom Physique Strasbourg in the third year to follow the TIC Santé curriculum and the IRIV Master's program (Imaging, Robotics, and Living Engineering).

In 2017, I had the opportunity to do my final internship at NearLab, a specialized laboratory in surgical robotics at Politecnico di Milano in Italy. My work focused on reducing muscle fatigue during a robot-assisted suturing task. Research fascinated me, and I decided to continue with a Ph.D. Having had the opportunity to test several surgical robots (including the famous Da Vinci), I realized that the sense of touch was very minimally conveyed to the surgeon during a task. I remember practicing for hours with the same training used by surgeons to operate the robot. The task involved passing rings along a tube without touching it, with only a slight force feedback when approaching dangerously. It caused a lot of frustration but also gave me the desire (and courage) to improve the machines of tomorrow!


Can you briefly describe your thesis?

When we manipulate objects, we rely on our sense of touch to perceive the softness of a raspberry, the finesse of a Braille point, or the roughness of sandpaper. In the case of fragile objects, such as picking a raspberry, it is important to apply exactly the right gripping force to pick the raspberry without crushing it between our fingers. And to do this, we as humans have a superpower. In practice, we all grip objects with a safety margin of 20% on average. This behavior occurs unconsciously; your nervous system does it automatically. However, we don't know much about how it does it. During my thesis, I discovered that we apply this gripping force thanks to various tactile information collected through the sense of touch, especially through mechanoreceptors in our skin. In fact, when our skin deforms, these small receptors quickly transmit impulses to the nervous system, which analyzes them and sends information back to the muscles.


But what is it good for?

My goal is to develop robots with a sense of touch inspired by humans. Developing sensors capable of feeling could then help amputees, thanks to sensory prosthetics. Or, a surgical robot that would allow the surgeon to feel the stiffness or texture of an organ could emerge in the near future.


And now, what are you doing?

After a first postdoc at TU Delft in the Netherlands, I decided to write a project proposal for a scholarship to the European Commission and I responded to the Marie Curie Fellowship call for proposals. In addition to being an exciting writing exercise, I loved imagining what I would like to see emerge in 10 years from now. It felt like I was being asked to dream! It's a highly selective scholarship, but I was fortunate to be selected, and I then started my project at MIT in Boston, USA.


What advice would you give to a future Ph.D. candidate wishing to pursue an academic career?

I often visualize research as a circle of knowledge. When working in a very specific field, you slightly scratch the boundary at a given point in this circle. But to truly push it back, I am convinced that sometimes you need to wander around the circle and see what is explored in other areas. Hence my advice, "go see elsewhere": another field, another environment, it will only give you more keys to better understand your subject later on!

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