Le défi d'une thèse circulaire - Valoriser les déchets organiques en matériaux innovants
- Haris BREVET
- 19 juin
- 4 min de lecture

Merci beaucoup pour votre témoignage
Pouvez-vous décrire le parcours qui vous a mené jusqu’au doctorat ?
J’ai débuté mon cursus universitaire en réalisant un DUT Génie Chimique et Génie des Procédés à l’Université de Caen. Cette formation m’a permis d’explorer différents domaines allant de la chimie au génie des procédés, en passant par la microbiologie et l’électronique. Déjà de nature curieuse, j'ai eu à cœur de faire des liens entre ces différentes notions pour les comprendre plus globalement. Cependant, c’est lors du stage de DUT que le cheminement prend forme, avec la découverte du monde des matériaux et plus exactement des matériaux polymères. Leur comportement, propriétés et diversité ont particulièrement retenu mon attention, éveillant un vif intérêt pour ce domaine.
Pour approfondir ces notions, j’ai intégré une école d’ingénieur par alternance en spécialisation polymères et composites à l’IMT Nord-Europe. Cette alternance, que j'ai pu effectuer au sein d'un pôle de recherche et développement, a été déterminante. La manière dont la théorie et la pratique se complétaient, et surtout les échanges très enrichissants avec les personnes qui m'ont encadré, m’ont appris énormément et m’ont incité, sans que je m’en rende compte sur le moment, à envisager un doctorat.
Au-delà de cette curiosité, j'ai rapidement constaté les limites des matériaux dans deux industries distinctes, l'agroalimentaire et l'automobile, malgré leur nécessité. En réalisant un état de l’art, j’ai réalisé que des chercheurs travaillaient déjà activement à dépasser ces limites. Je me suis alors demandé si, à mon échelle, je pouvais y contribuer pour repousser les contraintes actuelles, qu’elles soient techniques, liées à la durabilité ou à la circularité.
Le doctorat m'est alors apparu comme la voie la plus pertinente pour poursuivre l'exploration de cette curiosité pour les matériaux et, surtout, pour contribuer, à mon niveau, aux connaissances qui permettront de repousser ces limites, au bénéfice du plus grand nombre.
En quoi consiste votre thèse en quelques mots ?
L’objectif était de valoriser les déchets issus d'agro-ressources et notamment du lin. A cet égard, j’ai concentré mes recherches sur son intégration dans les matrices cimentaires, en étudiant comment certains composés (fibres, protéines…) du tourteau de lin influencent les propriétés du mortier final et leur capacité à conférer des fonctionnalités innovantes, comme l’auto-réparation, que nous avons pu mettre en évidence.
Parallèlement, j’ai travaillé sur une autre voie de valorisation : le développement de composites organiques 100% naturels à partir des éléments clés de ces déchets de lin : matières fibreuses, protéines, lipides et polysaccharides.
Au-delà du développement pur, les mécanismes à l’origine des propriétés observées ont été étudiés, afin d’optimiser les formulations.
Qu’est-ce que la thèse vous a apporté ?
Beaucoup de choses positives mais je vais tâcher d’être synthétique. En une phrase ça serait :
« Un investissement personnel considérable et une aventure intellectuelle intense, difficile mais étrangement satisfaisante et, finalement, conclue par la fierté du résultat »
En détaillant un peu plus, je pense que le doctorat m’a apporté un :
Un esprit critique : comprendre en profondeur pourquoi certaines approches ou hypothèses n’ont pas marché même lorsqu’elles sont reproduites depuis la littérature, et ne pas se contenter d'une compréhension superficielle ;
De l’adaptabilité : définir ce qu’il faut modifier ou réorienter pour aboutir à des résultats tangibles, et savoir ajuster sa stratégie face aux imprévus (et ce, en concertation, car on n’est pas tout seul à prendre cette décision);
La gestion de projets multidisciplinaires complexes : la capacité à structurer sa recherche sur le long terme, à coordonner des tâches variées et souvent à l'interface de plusieurs domaines scientifiques, en gérant son temps, les ressources et les délais en collaboration avec des interlocuteurs aux profils très différents (chercheurs, techniciens, doctorants etc.) ;
De la résilience : Persévérer malgré les obstacles ou les résultats inattendus, à se relever après un échec expérimental et à toujours chercher de nouvelles pistes ;
Une capacité analytique : aller au-delà de la simple observation pour décrypter les raisons profondes du résultat obtenu, même les plus subtiles, et à les interpréter avec rigueur et pragmatisme ;
Une meilleure gestion des doutes et des peurs : remettre en question ses méthodes et réaliser un travail d’introspection sans se dévaloriser.
Enfin, le doctorat m’a appris à évoluer dans un environnement riche humainement, où l’écoute, l’échange et l’entraide sont aussi essentiels que les compétences techniques.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaite se lancer dans une thèse ?
En tant qu'ingénieur ayant suivi un parcours similaire (n’ayant pas la légitimité pour m’adresser directement aux étudiants universitaires - des collègues docteurs le feront mieux que moi), je m’adresse aux élèves-ingénieurs qui envisagent la recherche ou hésitent à se lancer dans un doctorat.
Prenez le temps de vous informer et de bien pondérer vos choix. Ne vous mettez pas la pression en voyant vos camarades entrer directement dans la vie active. Le doctorat est avant tout une expérience humaine et professionnelle enrichissante et valorisable.
N'hésitez pas à contacter des docteurs ayant travaillé (voire doctorants actuels) dans le laboratoire, le domaine ou l'équipe que vous visez. Je ne connais pas de docteur qui ne serait pas ravi de partager son expérience. Leurs retours vous permettront de comprendre l’environnement de travail, les équipes et parfois malheureusement, les défaillances.
Pour ceux qui veulent franchir le pas, si possible, trouvez un sujet en adéquation avec vos valeurs ou votre objectif personnel / professionnel, cela aide toujours de se lever le matin et de savoir que l’on fait quelque chose que l’on aime et porteur de sens.
Gardez à l'esprit qu'un sujet de thèse, tel qu'il est présenté dans une offre, n'est jamais figé. C'est une trame, un point de départ. Vous en êtes l'acteur principal, et c'est avec vos encadrants que vous allez construire et écrire votre propre histoire de recherche au gré des découvertes.
コメント