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Thomas BITTAR, Ingénieur modélisation et optimisation, RTE Réseau de Transport d'Electricité


Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.


Pouvez-vous décrire le parcours qui vous a mené jusqu’au doctorat ?

J’ai fait deux années de classe préparatoire MPSI/MP, à la suite de quoi j’ai intégré l’École Centrale de Lyon. J’ai toujours eu un attrait pour les mécaniques de logique et de raisonnement scientifique présentes en mathématiques : pour moi prouver un théorème consiste essentiellement en un puzzle dans lequel on essaye d’agencer les pièces dans le bon ordre. C’est donc naturellement qu’une fois le tronc commun d’école d’ingénieur validé, j’ai coloré mon parcours avec une spécialisation en mathématiques. J’ai effectué ma 3ème année à l’Université de Cambridge où j’ai suivi des cours d’optimisation et de statistiques. J’ai aussi pu suivre des cours de physique quantique et physique théorique qui piquaient ma curiosité. De retour en France, je me suis lancé dans une thèse CIFRE avec l’École des Ponts et EDF sur le sujet de l’optimisation de la maintenance au sein des centrales hydroélectriques.


Quels sont les éléments au cours de votre parcours qui vous ont motivé à faire un doctorat ?

Mon tout premier contact avec la recherche est l’intervention d’un chercheur en probabilités qui est venu nous raconter son quotidien alors que j’étais en classe préparatoire. En école d’ingénieur, l’idée a germé de plus en plus parce que je ne retrouvais pas dans les cours du tronc commun la profondeur avec laquelle on traitait les sujets en prépa. J’ai toujours été animé par le fait d’aller au fond des choses et d’approfondir une thématique précise pour mieux la maîtriser. (Après coup, on a l’impression que plus on en sait, moins on en sait, mais ça c’est une autre histoire.) Après ma 2ème année d’école, j’ai fait un stage de recherche au CEA, où j’ai pu découvrir le quotidien de chercheurs. J’ai travaillé sur l’implémentation d’un nouveau solveur pour la résolution d’équations d’évolutions en neutronique. Ce stage m’a vraiment plu notamment parce que le sujet était à l’interaction entre théorie mathématique et informatique. Ensuite, j’arrive à Cambridge et le master est très orienté pour des étudiants qui veulent continuer en doctorat, il n’en fallait pas plus pour me convaincre. Cette année-là a été l’occasion d’échanger avec de nombreux étudiants en thèse pour comprendre leur quotidien et dissiper certaines interrogations.


Que retenez-vous de votre expérience en thèse CIFRE ?

En deux mots, c’est une super expérience. Le travail en CIFRE est guidé par une problématique industrielle concrète mais donne l’occasion de prendre du recul pour l’aborder avec des outils qui peuvent être théoriques. De fait, les thèses CIFRE nécessitent souvent de mobiliser des connaissances interdisciplinaires qui les rendent techniquement très riches (de la théorie de l’optimisation à la programmation parallèle sur clusters de calcul dans mon cas). La particularité d’une CIFRE est d’être intégré à la vie de l’entreprise sur un temps long et constitue une expérience très enrichissante. Cela permet de développer ses « soft skills », notamment sa capacité à présenter ses travaux à différents publics : on ne va pas faire passer le même message en conférence scientifique qu’à un public d’ingénieur qui n’est pas familier du sujet, voire à un public n’ayant pas de formation scientifique. Enfin, le doctorat permet de rencontrer les chercheurs qui travaillent sur des thématiques similaires aux nôtres, notamment à l’occasion de conférences, workshops ou diverses écoles d’été/d’hiver. Ce sont toujours des événements où les échanges sont riches et qui permettent de se constituer un réseau.


Quel poste occupez-vous actuellement et quel est l’apport du doctorat ?

Je suis actuellement à la R&D de RTE et je travaille sur la modélisation et la résolution des problèmes d’équilibre offre-demande. Ces problèmes sont au cœur des simulateurs qui permettent à RTE de réaliser des études prospectives à moyen et long terme (Bilans Prévisionnels, Schéma Décennal de Développement de Réseau, Futurs Énergétiques 2050). Je continue donc dans le domaine de l’énergie, que j’ai découvert pendant la thèse. Plus j’en apprends sur le fonctionnement du système électrique, plus je m’étonne de sa complexité. Ce poste est riche techniquement et est au cœur des défis posés par l’évolution du système électrique. L’apport du doctorat se traduit aussi bien sur les aspects scientifiques que sur les compétences en termes de communication. D’un point de vue scientifique, il me permet de prendre du recul sur les problématiques opérationnelles pour identifier les verrous structurellement bloquants et appliquer une démarche scientifique pour les traiter. J’effectue aussi toujours un travail de veille scientifique, habitude prise pendant la thèse et essentielle à mes yeux lorsque l’on travaille en R&D. Les qualités de présentation et de communication sont utiles peu importe le poste occupé et sont une vraie plus-value. Enfin, le réseau que j’ai constitué en thèse me permet de garder contact avec le monde académique, que ce soit via le suivi des doctorants au sein de RTE, ou la participation à des conférences.


Quels conseils pour un étudiant qui hésite à se lancer dans une thèse ?

Le premier conseil que je donnerais est que l’encadrement est presque plus important que le sujet en lui-même. En particulier, en CIFRE, il peut exister des conflits entre les exigences du directeur académique et de l’encadrement industriel. Le doctorant peut parfois se retrouver au milieu et doit réussir à exprimer son point de vue. Cependant, dans les entreprises qui ont une forte culture de R&D (comme EDF ou RTE pour citer celles que je connais), il y a, à mon avis, peu de risques de se trouver dans une situation délicate. Ensuite, pour ceux qui sont un peu effrayés de l’aspect « mono-sujet » pendant trois ans, je dirais plutôt qu’il y a une thématique globale qui guide le travail mais qu’après elle se décline en plusieurs axes qui mobilisent des compétences différentes. Par exemple, ma thèse comporte une partie purement théorique et deux autres parties plus appliquées, avec une forte composante informatique. Un bon encadrement de thèse permet de cadrer le travail tout en le laissant s’adapter aux appétences de l’étudiant. Il y a forcément des hauts et des bas dans la motivation, notamment quand la piste qu’on explore ne fonctionne pas (c’est le propre de la recherche), ou qu’on se lance dans la rédaction. A ce moment-là, il ne faut pas s’isoler et ne pas hésiter à solliciter son encadrement ou d’autres personnes (doctorants du laboratoire, collègues dans l’entreprise, etc) si on a besoin d’échanger. Pour conclure, je retiens que c’est une expérience très riche, et que si on hésite trop longtemps, c’est qu’il faut se lancer et saisir l’opportunité.

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