
Merci beaucoup pour votre témoignage.
Pourquoi s’engager dans l’obtention d’un doctorat durant votre parcours professionnel ?
En début d’école d’ingénieur, ayant toujours été attiré par le monde de la recherche, j’avais le projet de réaliser un parcours doctoral après ma dernière année. Cependant, en raison du contexte très favorable du monde du travail à la fin de mes études, j’ai décidé d’abandonner ce projet et de rechercher un emploi dans le secteur de la recherche.
Ayant effectué mes obligations militaires en tant que scientifique du contingent au Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA), j’ai pu constater que le CEA offrait de bonnes perspectives pour exercer dans le domaine de la recherche, tout ingénieur bénéficiant du double statut d’ingénieur/chercheur. Salarié au CEA depuis plus de vingt ans, j’ai exercé dans de nombreux domaines et j’ai principalement travaillé au développement scientifique tout au long de ma carrière.
Les profils de carrière au CEA sont orientés suivant trois axes : management, projet et expertise. La voie que j’ai pertinemment choisie est celle de l’expertise, mon parcours professionnel et mes aspirations étant très orientés vers la recherche. Néanmoins, n’étant pas titulaire d’un doctorat, je me suis retrouvé contraint dans mon développement de carrière. Du point de vue du CEA, un doctorat n’est pas forcément nécessaire mais constitue un avantage certain pour progresser vers des responsabilités plus élevées dans cette filière « expert ».
De plus, j’ai eu l’occasion d’être encadrant de trois thèses ces dernières années. Néanmoins, j’aimerais pouvoir évoluer vers une fonction plus autonome de directeur de thèse, qui nécessite une habilitation à diriger des recherches. Cependant, je ne pouvais y prétendre car je n’étais pas titulaire d’un doctorat.
Enfin, le doctorat est le seul diplôme reconnu internationalement. Il est un avantage pour une reconnaissance scientifique dans mon domaine d’expertise dans le cadre de collaborations internationales. Hors de France, il semble être la norme d’être docteur quand on réalise des travaux de recherche.
Pour ces raisons, je me suis lancé dans une démarche de Validation des Acquis et de l’Expérience pour obtenir le titre de docteur et pouvoir continuer mon parcours professionnel.
Quels sont les prérequis et les démarches pour réaliser une thèse en Valorisation des Acquis et de l’Expérience ?
J’ai découvert par hasard la possibilité de réaliser une thèse en Validation des Acquis et de l’Expérience (VAE). Je ne pensais pas qu’un tel diplôme puisse être obtenu par cette voie. Une des raisons qui m’a poussé à témoigner est de pouvoir diffuser l’information selon laquelle il est possible d’obtenir un doctorat durant son parcours professionnel. Cependant, cela nécessite quelques prérequis pour démontrer une expertise dans un domaine donné, notamment avoir publié un certain nombre d’articles dans des journaux internationaux et avoir participé à des congrès scientifiques.
La démarche de la VAE nécessite de constituer un dossier auprès d’une université. Dans mon cas, je me suis orienté vers l’Université Aix-Marseille pour des raisons de proximité et parce qu’elle avait une école doctorale correspondant à mon domaine de recherche. Outre les aspects administratifs, le dossier doit inclure une lettre motivant la démarche et un rapport d’activité de recherche démontrant une certaine expertise sur un sujet donné. Ce dossier est évalué par une commission qui donne l’autorisation de commencer la VAE.
La VAE a un coût qui dépend de l’université et qui est de l’ordre de 1 500 €. Ce coût peut être financé de diverses manières selon votre profil. Dans mon cas, j’ai utilisé mon Compte Personnel de Formation (CPF) pour couvrir la totalité des frais.
Quelles sont les différences par rapport à une thèse « classique » et quels conseils donneriez-vous pour son bon déroulement ?
Ayant encadré plusieurs thèses, j’ai pu constater quelques différences dans le déroulement d’une VAE par rapport à une thèse « classique ». Mais en premier lieu, je tiens à préciser qu’au final, il s’agit du même diplôme. Il n’y a aucune distinction entre les deux.
La principale différence réside dans la rédaction du mémoire de thèse. Celui-ci comprend deux parties : la première expose le parcours académique et professionnel du candidat, tandis que la seconde constitue la partie technique résumant les travaux de recherche effectués. La forme de ce mémoire se rapproche de celle demandée pour une Habilitation à Diriger des Recherches. Il n’y a pas, a priori, de limite dans le temps pour la rédaction, mais il est généralement conseillé de ne pas dépasser 3 ans, comme dans une thèse « classique ». Dans mon cas, cela m’a pris 18 mois. Étant donné que ce travail de rédaction demande beaucoup de temps pour synthétiser l’ensemble d’une carrière, il est généralement difficile à concilier avec sa vie professionnelle et familiale. Personnellement, et c’est un conseil que je peux donner, j’ai pu intégrer au niveau de ma hiérarchie, dans un de mes objectifs annuels, l’obtention d’un doctorat par VAE. Cela m’a permis d’allouer une partie de ma journée de travail à la rédaction et de minimiser l’impact sur ma vie familiale.
Une autre différence concerne les formations. Dans une thèse classique, il est nécessaire d’effectuer un certain volume de formation, alors que dans le cadre de la VAE, seules deux formations sont obligatoires : « Éthique de la recherche » et « Intégrité scientifique ».
Le mémoire est évalué par deux rapporteurs, de la même manière qu’une thèse « classique ». La formation du jury est soumise aux mêmes contraintes, avec la nuance qu’il doit intégrer un responsable de la formation continue de l’université d’accueil.