Du travail du bois à l’IA, quand la passion mène au doctorat
- Julien CHAPELIN
- il y a 5 heures
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Merci beaucoup pour votre témoignage
Pourriez-vous présenter votre parcours avant la thèse ?
Au début de mon parcours d’études, rien ne semblait me destiner à faire un doctorat. J’ai d’abord commencé par un bac professionnel pour apprendre le métier de menuisier-ébéniste. Durant ces trois années, j’ai appris à travailler le bois et j’ai eu mon premier contact avec le monde du travail. Cette expérience m’a aidé à construire mon avenir, car, bien que le travail du bois me plaise énormément, je ne me voyais pas y faire carrière. J’ai donc réfléchi à mon futur et je me suis réorienté.
Après l’obtention du bac pro, j’ai repris un bac technologique STI2D, où j’ai découvert l’électronique et l’informatique. J’y ai pris goût et j’ai enchaîné avec un DUT GEII. Durant ce DUT, j’ai eu la chance de faire mon stage de fin de deuxième année en tant qu’automaticien au sein du pôle innovation d’un leader mondial des systèmes d’entraînement. C’est là que j’ai eu un vrai déclic : j’ai su que je souhaitais devenir ingénieur en informatique industrielle.
Après le DUT, j’ai rejoint l’entreprise qui m’avait accueilli en stage, en tant qu’apprenti. Avec son accompagnement, j’ai obtenu une licence professionnelle en systèmes électriques et informatique industrielle, ainsi qu’un diplôme d’ingénieur en informatique industrielle.
Pourquoi avoir choisi de faire une thèse après l’école d’ingénieur ?
L’idée a germé par un concours de circonstances : j’étais au bon endroit, au bon moment, avec les bonnes personnes. Mes quatre années d’alternance au sein du pôle innovation de mon entreprise d’accueil avaient fait grandir en moi une soif d’innovation. Une fois mon diplôme d’ingénieur en poche, je me demandais comment aller plus loin dans la R&D.
Coup du hasard : le service dans lequel je travaillais souhaitait s’ouvrir au monde de la recherche et ambitionnait de proposer son premier sujet de thèse, sur le thème de la maintenance prévisionnelle, en collaboration avec le laboratoire ICube de Strasbourg. Le sujet explorait des problématiques qui m’intéressaient énormément, notamment l’application de l’intelligence artificielle à l’industrie, plus particulièrement à l’anticipation des défaillances, un domaine à la croisée de mes compétences et de mon appétence pour les technologies innovantes.
Toutes les conditions étaient réunies, à la fois de mon côté et de celui de l’entreprise pour faire de ce projet de thèse une réussite. L’entreprise souhaitait s’ouvrir au monde de la recherche, et de mon côté, j’avais une réelle envie de poursuivre en R&D après l’école d’ingénieur. Lorsque j’en ai discuté avec le manager du pôle innovation et les responsables du laboratoire ICube, tout s’est fait naturellement. Étant déjà en alternance dans l’entreprise depuis plusieurs années, je connaissais très bien ses processus, ses enjeux industriels, et j’étais déjà un membre actif du pôle innovation. J’étais le candidat idéal.
L’entreprise a donc signé une convention de partenariat avec le laboratoire ICube de Strasbourg, qui m’a embauché en tant qu’ingénieur de recherche pour mener à bien la thèse. Le laboratoire CRAN de Nancy s’est également joint à l’aventure, en codirection de la thèse, le sujet étant aligné avec leurs expertises. J’ai donc réalisé une thèse « classique » financée par un fond privé, et non une thèse CIFRE. Une méthode de financement assez rare, mais qui matchait parfaitement à notre contexte.
Comment avez-vous vécu votre doctorat ?
C’était un très gros challenge : je devais quitter le point de vue de l’ingénieur et adopter celui du chercheur. De plus, ma thèse ayant été financée par une entreprise privée, mon bureau se trouvait dans l’entreprise, et non pas au laboratoire. Je devais donc concilier les objectifs industriels, qui nécessitent des résultats mesurables à court terme, avec le travail de recherche un peu plus abstrait qui s’inscrit dans le long terme.
Ça a été très difficile au début, mais mes encadrants, aussi bien du côté académique qu’industriel, étaient bienveillants, et nous avons su faire des compromis sur les rendues/objectifs lorsque cela était nécessaire.
Au final, les mondes de l’ingénierie et de la recherche sont très différents, et cette phase d’adaptation a duré environ un an je dirais. Mais globalement, du début à la fin, le doctorat a été une expérience exceptionnelle : j’ai énormément grandi, professionnellement, académiquement, et surtout, humainement.
Si c’était à refaire, je le referais sans hésiter, et j’encourage tout le monde à se lancer dans l’aventure du doctorat.
Qu’est-ce que la thèse vous a apporté ?
La thèse m’a apporté énormément, à plusieurs niveaux. Sur le plan professionnel, elle m’a permis de développer une véritable rigueur scientifique, une capacité à structurer et à approfondir un problème complexe, ainsi qu’une autonomie de travail que je n’aurais sans doute pas acquise autrement. J’ai aussi beaucoup progressé en communication, que ce soit à l’oral lors des présentations, ou à l’écrit en rédigeant des articles scientifiques et le manuscrit de thèse.
Travailler à l’interface entre le monde académique et industriel m’a également appris à faire le lien entre recherche fondamentale et application concrète, à jongler entre des attentes parfois opposées, m’adapter à différents environnements professionnels et « prendre de la hauteur ».
Au-delà des compétences techniques, la thèse m’a surtout fait grandir humainement. Elle m’a appris la persévérance, la gestion du doute, la patience face à l’incertitude, et la valeur du travail en équipe. C’est une expérience exigeante, parfois éprouvante, mais aussi extrêmement enrichissante. Aujourd’hui, je me sens mieux armé pour affronter des projets complexes, avec une vision plus large et plus critique.
Quel est votre travail aujourd’hui ? Quelles sont vos principales satisfactions ?
Aujourd’hui, je suis responsable de la recherche dans une ESN. Je suis le premier chercheur de cette PME, et j’ai la chance d’avoir tout à construire du point de vue de la recherche. Comme durant ma thèse, je m’applique à intégrer l’intelligence artificielle à l’industrie pour anticiper des évènements indésirables, réagir en conséquence et in fine : améliorer les résultats.
Mes tâches sont très variées : je m’occupe de définir la stratégie de recherche du groupe, de créer et gérer les partenariats académiques, de rechercher des financements, et surtout, je mène les actions de recherche scientifique. Je continue donc à réaliser des états de l’art, à identifier des lacunes dans la littérature, à formuler des hypothèses, à modéliser des contributions, à mener des expérimentations, à rédiger des articles scientifiques et à échanger avec la communauté au travers de colloques et de conférences.
En plus de cette formidable opportunité dans le secteur privé, je suis également chercheur associé au laboratoire ICube de Strasbourg et enseignant vacataire à l’Université de Strasbourg. Je n’ai donc pas quitté le monde académique et je continue à transmettre mes connaissances aux étudiants d’aujourd’hui et aux doctorants de demain.
En résumé, je suis très satisfait de ma situation actuelle. J’ai le job de mes rêves. Je continue à publier, à participer à des colloques et, surtout, à enseigner à l’université, ce qui est un point très important pour moi. Je réponds à toutes mes attentes sans compromis, et c’est une chance incroyable. Je me considère comme privilégié
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