Le terrain ne suffisait plus : itinéraire d'un ingénieur retourné vers la recherche pour un impact réel.
- Othmane HAMZAOUI
- il y a 2 jours
- 3 min de lecture

Merci beaucoup pour votre témoignage
Vous aviez déjà une carrière d'ingénieur en génie électrique bien établie, avec des expériences significatives chez des acteurs majeurs comme MASEN et Orange. Qu’est-ce qui vous a poussé à entreprendre un doctorat en parallèle ?
Mon parcours a toujours été guidé par la résolution de problèmes concrets. Chez MASEN, au cœur des projets solaires marocains, j'étais face au défi de la production massive d'énergie renouvelable. Puis, chez Orange, le problème s'est inversé : comment optimiser la consommation d'un géant des télécoms qui est l'un des plus gros consommateurs d'énergie du pays ? Je me suis rendu compte que les solutions "sur étagère" atteignaient leurs limites. Pour aller plus loin, pour créer des systèmes de gestion d'énergie réellement intelligents et prédictifs, il ne suffisait plus d'intégrer des technologies existantes. Il fallait les créer. Le doctorat n'était donc pas une bifurcation, mais une accélération : un moyen d'acquérir les outils théoriques de pointe pour développer les solutions industrielles dont j'avais moi-même besoin sur le terrain.
Comment votre expérience industrielle influence-t-elle concrètement votre approche de la recherche doctorale ?
Mon expérience est mon plus grand atout. Ma thèse n'est pas une abstraction théorique ; elle est ancrée dans les contraintes réelles de coût, de fiabilité et de maintenabilité que j'ai vécues au quotidien. Quand je développe un algorithme d'optimisation pour la gestion de batteries, je ne pense pas seulement à son élégance mathématique. Je pense à son déploiement dans des milliers de sites télécoms, à sa robustesse face à des pannes matérielles et à sa capacité à générer un retour sur investissement tangible pour l'entreprise. Mon laboratoire, c'est le réseau réel. Les données que j'utilise ne sortent pas d'un simulateur, mais de systèmes en production. Cela force à être pragmatique et à viser un impact direct.
Inversement, qu'est-ce que la recherche doctorale vous apporte au quotidien dans vos missions d'ingénieur ?
Le doctorat change complètement la manière de penser. Il apporte une profondeur d'analyse et une rigueur méthodologique exceptionnelles. Au lieu de chercher une solution qui fonctionne, j'apprends à chercher la solution optimale et à le prouver. Je peux désormais prendre du recul sur une problématique, lire les dernières publications scientifiques mondiales sur le sujet, et proposer des approches innovantes que mes collègues n'auraient pas envisagées. Cela m'a permis, par exemple, d'intégrer des modèles de vieillissement de batteries basés sur l'intelligence artificielle dans nos stratégies de gestion, ce qui prolonge la durée de vie de nos parcs et réduit les coûts de manière significative. C'est un dialogue permanent : l'industrie pose les questions, la recherche aide à formuler les réponses les plus avancées.
Quel conseil donneriez-vous à un ingénieur qui ressent cette même frustration face aux limites des solutions existantes et qui hésite à se lancer dans un doctorat ?
Je lui dirais que le doctorat n'est pas une "pause" dans une carrière industrielle, mais un véritable levier de transformation. Si votre objectif est de devenir un expert technique de haut niveau capable de piloter l'innovation de rupture, c'est la voie royale. Mon conseil est de choisir un sujet de thèse qui vous passionne et qui a un champ d'application industriel clair. Trouvez un laboratoire qui comprend et valorise les liens avec les entreprises. Le doctorat n'est pas une fuite du monde réel, mais l'outil le plus puissant pour le façonner. L'industrie a désespérément besoin de ces profils hybrides, capables de naviguer entre la science fondamentale et l'implémentation sur le terrain.
Un parcours remarquable qui force le respect. Félicitations pour ton engagement et ta passion Dr. Othmane.