Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview
Quel est votre parcours avant la thèse ?
Je suis arrivée en France après mon bac en 2012 et j’ai intégré une classe préparatoire d’une
école d’ingénieure Agriculture. À la fin de la première année, j’ai décidé d’aller faire une
deuxième année de licence en maths à l’université de Rouen. Faire des maths me manquait
beaucoup et le volume horaire consacré aux maths en première année n’était pas suffisant pour assouvir ma passion. J’ai donc demandé une admission parallèle en deuxième année de licence à l’université de Rouen où j’ai obtenu ma licence. Le labo de Rouen était plutôt orienté maths appliquées. Et j’étais plutôt attirée par l’algèbre et la géométrie. J’ai donc décidé d’aller à Paris (UPMC) pour poursuivre en master de mathématique fondamentales (spécialités Géométrie algébrique et théorie des nombres). J’ai obtenu mon diplôme en 2017 et j’ai enchaîné avec une thèse en théorie des nombres à Caen sous la direction de Bruno Deschamps et Jérôme Poineau sur le sujet « Théorie de Bass-Serre Profinie ».
Pouvez-vous nous partager les défis que vous avez rencontrés durant votre thèse ainsi que les moments qui ont été particulièrement gratifiants et motivants pour vous ?
Entreprendre une thèse est un parcours jalonné de défis et de moments exaltants. L'un des
aspects les plus difficiles pour moi a été de commencer ce voyage académique tout en étant
enceinte de trois mois. La gestion des congés maternité et le retour à la recherche ont
représenté des défis de taille, mais grâce au soutien et à la compréhension de mes encadrants, j'ai pu surmonter ces obstacles et retrouver ma motivation.
La période des confinements en 2020 a également ajouté une couche de complexité,
transformant la recherche, traditionnellement collaborative, en un exercice plus solitaire.
L'absence d'interactions en personne, remplacées par des rencontres virtuelles, a rendu difficile le maintien du même niveau d'échange et de dynamisme que celui vécu devant un tableau, craie en main, avec mes encadrants.
Néanmoins, ces défis ont été contrebalancés par des moments profondément gratifiants. La
thèse est un voyage long et semé d'incertitudes, mais aussi ponctué de victoires, telles que la
démonstration du résultat principal de ma thèse. Ces instants de révélation ont apporté une
immense satisfaction et un regain d'énergie. De plus, soumettre mon manuscrit de thèse a
marqué l'aboutissement de trois années d'efforts soutenus, symbolisant la concrétisation d’un
travail acharné.
Ce parcours a été une aventure riche en émotions, m'offrant à la fois des défis à surmonter et
des succès à célébrer. La thèse m'a appris la persévérance, l'importance du soutien
académique et personnel, et m'a permis de découvrir ma propre résilience face aux obstacles.
Qu’avez-vous fait après votre thèse ?
Après ma thèse, j’ai enchaîné avec un poste d’ATER (Attaché Temporaire d’Enseignement et de
Recherche) à l’université de Caen. L’année suivante, j’ai occupé un autre poste d’ATER à
l’université Paris-Saclay et j’étais rattachée à l’IMO d’Orsay. Pendant cette année passée à Orsay, j’ai beaucoup réfléchi aux différentes manières de poursuivre ma carrière : académique ou privée ? Cette période de réflexion, couplée à des échanges avec des professionnels des deux horizons, a été cruciale dans ma décision de m'orienter vers le secteur de l’informatique.
J’ai suivi un graduate programme sur un an chez ATOS pour devenir consultante cloud. C’est une expérience très enrichissante que je ne regrette pas du tout. C’est un métier qui me plaît
beaucoup. Ce choix de carrière, loin de représenter un éloignement de ma passion initiale pour les mathématiques, a plutôt ouvert un nouveau champ d'applications pratiques et
enrichissantes.
Parallèlement à ma carrière en entreprise, je continue à nourrir ma passion pour les
mathématiques à travers la recherche et la vulgarisation. Je mène de nombreuses actions de
vulgarisation avec Animath (dont je suis membre du CA), notamment au Sénégal. J’ai
récemment créé avec des amis une association de maths périscolaires au Sénégal qui s’appelle Teranga Math.
Des conseils pour les jeunes docteurs qui hésite à aller faire une carrière dans le privé. ?
La réalité du marché académique en France est telle que le nombre de postes disponibles dans
les universités est nettement inférieur au nombre de candidats. Même pour ceux qui parviennent à obtenir un poste d'enseignant-chercheur, il devient parfois évident que ce métier
ne convient pas à tous. Personnellement, j'ai longtemps été réticent à l'idée de me tourner vers
le secteur privé, une approche que je considère aujourd'hui comme erronée. Je tiens à
encourager les jeunes docteurs à rester ouverts aux multiples opportunités que le secteur privé
peut offrir. La réalisation d'une thèse confère une grande adaptabilité, un atout précieux qui
nous permet de faire face à diverses situations professionnelles. En définitive, l'expérience et
les compétences acquises durant le doctorat peuvent se révéler extrêmement bénéfiques dans
le monde de l'entreprise, ouvrant la porte à des carrières riches et variées. Pour les jeunes
docteurs, je recommanderais de ne pas craindre de sortir de leur zone de confort, et de
considérer leur parcours comme un voyage continu d'apprentissage et de découverte.