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Réinventer sa carrière par le Doctorat : le témoignage de Fabrice Lollia


Fabrice LOLLIA

Merci beaucoup d'avoir accepté l'intrview


Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

Bien sûr. J’ai été fonctionnaire de police pendant 22 ans. Les 12 premières années, j’ai exercé en tant qu’enquêteur Officier de Police Judiciaire, puis les 10 suivantes comme officier de sécurité au sein d’un service spécialisé de protection rapprochée à la Direction Générale de la Police Nationale (DGPN) française.


Comment en êtes-vous arrivé à faire une thèse de doctorat ?

Mes missions étaient souvent atypiques et exigeantes, mais je n’y trouvais plus vraiment de sens. Cela m’a poussé à ressentir le besoin d’évoluer, de prendre du recul, et de réfléchir en profondeur sur mon travail dans le domaine de la sûreté des organisations. À 33 ans, j’ai pris la décision de reprendre mes études en sciences de l’information et de la communication (SIC). Après avoir obtenu un master en Intelligence économique et en analyse du risque, j’ai été admis en thèse de doctorat. Mon sujet portait sur le comportement des acteurs en situation hostile face à l’implémentation de technologies de sécurité, notamment la géolocalisation, que j’ai pu tester lors d’une mission à l’ambassade de France à Kaboul.


Comment avez-vous vécu cette expérience doctorale ?

Cette thèse a été bien plus qu’une simple étape académique ; elle a représenté une nouvelle dimension dans ma carrière de policier, notamment par sa dimension de recherche-action, mais aussi une épreuve personnelle en tant que père. J’avais besoin d’approfondir mes connaissances dans le domaine de la sûreté des organisations, à une époque où les nouvelles technologies bouleversaient notre approche sécuritaire. Parallèlement, ma vie de famille était (et l’est toujours) importante. Avec mes responsabilités de terrain et un concours de niveau bac passé il y a plus de 20 ans, mes perspectives d’évolution semblaient limitées. Je ne rentrais dans aucune case. Il fallait repasser un concours externe pour devenir commissaire sans aucune certitude de l’avoir, ce qui m’aurait fait repartir de zéro. C’est ainsi que je me suis engagé dans cette belle aventure.


Comment s’est déroulée votre thèse et quels conseils donneriez-vous aux jeunes chercheurs ou futurs chercheurs ?

Ma thèse a été marquée par des hauts et des bas. Mon profil atypique, d’opérateur de terrain avec un parcours de chercheur, a souvent suscité des doutes. J’ai essuyé de nombreux refus pour trouver un directeur de thèse, certains me disant que je n’avais pas le niveau requis parce que je n’étais pas un cadre supérieur de la police. Mais un jour, deux directeurs de thèse ont cru en moi, m’ont accepté, et m’ont soutenu de la plus belle des manières en me faisant confiance.

Cette thèse m’a apporté une réelle plus-value dans mon domaine. Aujourd’hui, avec 25 ans d’expérience professionnelle et une thèse en poche, j’ai eu la chance d’intégrer de grandes multinationales à des niveaux de responsabilité que j’avais toujours espérés.


Un conseil pour les jeunes ?

Absolument ! La thèse est une aventure extraordinaire, d’abord pour soi-même, mais aussi dans ses relations avec les autres. Il est crucial de choisir un sujet qui vous passionne et de le faire avec une vision stratégique. Pensez à ce que cette thèse peut vous apporter en termes de carrière et comment elle peut vous ouvrir des portes vers des postes qui vous intéressent.

Je dirais aussi aux jeunes qu’à l’issue de cette thèse, vous développerez des compétences en endurance intellectuelle et en réflexion, mais il ne faut pas négliger la dimension professionnelle. Il est essentiel de savoir mettre en valeur vos compétences. Je me souviens d’un ami qui, par peur du jugement, n’osait pas mentionner sur son CV qu’il était docteur en informatique. Je pense qu’il ne faut pas tomber dans ce piège. Mon parcours doctoral a été un défi constant, non seulement pour moi, car j’ai souvent douté, mais aussi face aux autres. Être doctorant, c’est bien, mais sortir docteur, c’est une autre histoire.

Vous rencontrerez des personnes qui valoriseront votre parcours et vous donneront votre chance, mais aussi d’autres qui seront dérangées par votre profil. Il faut être prêt à entendre des remarques du type « Les études ne servent à rien » ou « Moi, je n’ai pas de doctorat et je gagne mieux ma vie que toi. » Et cela vient souvent de gens qui n’ont pas suivi ce cursus.

Être docteur, c’est aussi savoir gérer ce genre de remarques, et c’est important de le comprendre.

Un autre conseil : entourez-vous de personnes bienveillantes et savourez chaque moment de votre sujet de recherche. Le jeu en vaut la chandelle !

Enfin, mon dernier conseil est l’humilité. J’ai passé cinq ans sur une thèse dans un univers très particulier. Je pense maîtriser mon sujet et je poursuis encore mes recherches. Cependant, il est essentiel de rester humble et d’accepter « de savoir que l’on ne sait pas ». J’encourage vraiment nos jeunes chercheurs à cultiver cette introspection, car elle les rendra non seulement respectueux des avis des autres, même lorsque les méthodes d’analyse des données peuvent parfois sembler surprenantes, mais aussi bien plus performants grâce à une belle ouverture d’esprit.

J’espère avoir pu aider et inspirer ceux qui envisagent de se lancer dans l’aventure doctorale.


Fabrice Lollia

Docteur en Science de l’information et de la Communication

 

 

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